Avec son Batman Begins, Christopher Nolan a redonné des couleurs (sombres) à une licence qu’on croyait perdue et enfermée à double tour dans une batcave sinistre. Les premiers films avaient pourtant mis le héros masqué (ses sidekicks et vilains inclus) sur les bons rails d’un train fantôme en plein cœur d’une fête foraine burtonienne. Même pas peur. Beaucoup plus flippant le ratage total des deux opus signés Joël Schumacher qui fit aux fans de la chauve-souris le même attentat que le gardien allemand du même nom sur Patrick Battiston. Pas de carton non plus, mais une licence aux oubliettes pendant quelques années.
Pour ses premiers séjours à Gotham City, Nolan avait choisi de tout changer : ambiance sombre et réaliste, héros torturé et tourmenté par ses traumas d’enfance, corruption galopante dans toutes les strates du pouvoir pour un résultat glaçant oscillant entre ville du bloc de l’Est et New York post 11 septembre (le moment qui permit le retour des super-héros).
Nolan a imposé une imagerie et un style qui colleront longtemps au costume cuir-latex de l’homme chauve-souris.

Rises est la suite presque directe de The Dark Knight. Bruce Wayne est tout proche de vivre tel un SDF sous un pont et les efforts humanistes de l’empire Wayne se réduisent comme peau de chagrin. Batdépression et ambiance glacée façon thé et château anglais.
Même si Rises cite souvent Begins, il forme davantage un dyptique sombre avec le précédent. L’attitude placide et inquiétante de Bane tranche avec la folie psychotique et non moins inquiétante du Joker mais distribue les cartes de la même façon : Bruce Wayne devra sortir de l’ombre et Batman triompher du mal.

A la manière du Spiderman 3 de Sam Raimi, Rises ressemble à l’épisode de trop, à une redite tout sauf indispensable. The Dark Knight montrait déjà les limites de Nolan à faire évoluer son personnage et son style. Le ton sentencieux (la caution mature de Nolan) dont ne se départissent jamais vraiment les personnages emmène le film dans des tunnels de dialogues sans enjeu. Les acteurs semblent jouer chacun de leur côté, sans interaction, pas aidés par la réalisation plate de Nolan. Chaque scène dégouline de commentaires sur ce que le spectateur peut voir à l’écran comme si Nolan n’avait pas confiance dans ce qu’il filmait (Inception avait déjà cette tare). Il souligne et surligne constamment ce que sa caméra montre ou devrait seulement suggérer. La musique de Zimmer est omniprésente comme pour lui servir de béquille quand il ne parvient pas à faire de l’émotion ou de l’épique.

Le résultat manque de souffle et de rythme comme un premier montage qui en nécessiterait d’autres pour trancher à la serpe une bonne demi-heure et fignoler au couteau pour gagner en punch. Les combats au corps-à-corps sont par exemple d’un ennui peu commun pour un blockbuster récent. On sait que les scènes d’action ne sont pas la spécialité de Nolan, et certains argueront que ses films valent mieux que ça, mais l’exercice reste au cahier des charges du film de super-héros et on aurait presque envie que Nolan se jette dans la Bay devant tant d’indigence à filmer du mouvement.

Parmi les réussites du film (passons sous silence la nanardisante Marion Cotillard et sa réplique finale déjà culte), Bane et surtout Catwoman sont deux personnages vraiment intéressants. Anne Hathaway, l’une des meilleures actrices de son âge, renvoie Pfeiffer à ses minauderies et compose une chatte diablement sexy mais tout aussi troublante et attachante. Elle donne du corps et du rythme à toutes ses scènes et s’impose facilement devant un Bale toujours aussi monobloc et monocorde (sans être monotone pour autant). Bane est un vilain de taille, qui tranche avec les méchants de BD. Si Nolan lui donne une voix dark vadorienne un peu kitch, il en fait un personnage réaliste et glaçant dont le look (pourtant extravaguant) ne prête pas vraiment à rire. C’est d’ailleurs une des forces de Nolan : garder jusqu’au boutisme sa posture sombre et désabusée. Le film en devient même inquiétant quand on le remet dans le contexte de la tuerie de Denver (même si une œuvre ne pourra jamais être tenue pour responsable de l’action d’un déséquilibré). Nolan ne cherche jamais à déplacer la violence vers un autre contexte comme le font un Tarantino ou un Refn, qui restent dans une violence cinématographique (esthétique et effets). Les scènes dans le stade ou dans la place boursière sont filmées et montées sans effet, de manière clinique et froide, sans chichis. Noir c’est noir.

Si Rises était un succès assuré bien avant sa sortie, il montre l’essoufflement de forme du film de super-héros (comme The Avengers avant lui) et dessine encore davantage les limites du cinéma de Nolan : celui d’un honnête faiseur, à l’imagerie puissante mais au style ampoulé et plat.
TheGreatGatsby
4
Écrit par

Créée

le 26 sept. 2012

Critique lue 279 fois

TheGreatGatsby

Écrit par

Critique lue 279 fois

D'autres avis sur The Dark Knight Rises

The Dark Knight Rises
Torpenn
3

L'écharpé Bale

Pour répondre par avance aux détracteurs faciles à la pensée étroite, non, je ne m'amuse pas spécialement à aller voir des mauvais films pour un douteux plaisir masochiste. D'abord, j'ai une grande...

le 27 juil. 2012

259 j'aime

156

The Dark Knight Rises
Hypérion
3

Nolan(s), gros prétentieux!

Il me semble bien que l'univers est sur le point de s'écrouler, je suis d'accord avec @Torpenn en tous points sur une critique de blockbuster, qui plus est dans un genre que je consomme sans...

le 31 juil. 2012

172 j'aime

76

The Dark Knight Rises
kevisonline
7

DISCUSSION ENTRE UN EXÉCUTIF DE WARNER ET CHRISTOPHER NOLAN.

(contient des gros spoilers) Warner : Alors, Chris, ça avance le film ? C.Nolan : Ouais, tout commence à prendre forme. Je suis assez content du résultat. Warner : Justement, on voulait te parler...

le 25 juil. 2012

124 j'aime

Du même critique

ZombiU
TheGreatGatsby
8

Revival Survival...

Plaisir sadique et plaisir masochiste sont deux composantes essentielles du survival horror. Une idée fixe : faire souffrir le joueur qui en retour doit aimer ça. La survie se nourrit de la peur du...

le 2 janv. 2013

7 j'aime

1

Escape Plan
TheGreatGatsby
5

Escape Plan plan...

Servi par une très belle DA (personnages, ambiance, musique jazzy, violence à la fois crue et froide façon cartoon), Escape Plan peine à convaincre sur la durée de l’expérience. La faute sans doute à...

le 12 sept. 2012

7 j'aime

Catherine
TheGreatGatsby
9

Le procès K ou le procès C ?

Catherine est intelligent, mature, hardcore, à la fois sérieux et coquin dans le traitement de ses thèmes (l’infidélité, le passage à l’âge adulte, l’engagement…). Il souffle le chaud et le froid,...

le 12 sept. 2012

6 j'aime