Il est parfois très compliqué d'expliquer aux autres nos attentes les plus violentes. Ce The end of the tour était probablement le film récent que j'avais le plus envie de voir (ou pas loin).


Si j'en attendais énormément, les raisons de cette impatience étaient diverses et variées :


1) Le sujet (adaptation d'un bouquin narrant la tournée promotionnelle de David Foster Wallace suite au succès dingue d'Infinite Jest) était à mes yeux l'atout majeur du film. J'adore DFW depuis la lecture du merveilleux La fonction du balai . Les autres lectures que j'ai pu entamer n'ont fait que confirmer que cet auteur a quelque chose de génial et de très singulier à raconter. D'ailleurs, sa personnalité (du moins, celle qui peut rejaillir de ses interviews ou des anecdotes qu'on nous raconte à son sujet) a totalement convaincu la personne totalement anti-icone que je suis de vénérer ce mec (les paradoxes de l'être humain, grande thématique que l'auteur américain mettait assez souvent en avant !).


2) Pour des raisons totalement différentes, j'apprécie plutôt les deux acteurs principaux :


-Jesse Eisenberg est selon moi un très bon acteur qui a déjà une belle carrière derrière lui à seulement 32 ans (The Social Network, Les Berkman se séparent, Zombieland). Evidemment, il a un physique et une façon de jouer très particuliers, aussi il ne sera pas pleinement convaincant dans n'importe quel rôle. Toujours est-il que c'est un comédien très prometteur pour lequel j'ai de la sympathie.


-Jason Segel, c'est tout le contraire ! Je l'apprécie comme on peut aimer son vieux pote de toujours, lourdingue et bourré H24. C'est avec lui qu'on a fait nos conneries de jeunesse et on a du mal à lui en vouloir de ne pas être passé à autre chose. Cet acteur n'est jamais plus convaincant que dans des rôles d'ados (Freaks and Geeks) ou d'adultes immatures et pas très finauds (HIMYM, Sans Sarah rien ne va). Bref, Jason/Marshall a un capital sympathie de fou furieux que son talent tout relatif ne devrait pas permettre. Mais c'est aussi ça qui est beau avec l'amour/l'amitié.


3)Le réalisateur James Ponsoldt m'intrigue pas mal (probablement pas pour de bonnes raisons). J'avais trouvé son The Spectacular Now pas inintéressant à défaut d'être réussi (le film avait surtout le gros mérite de révéler Shailene Woodley et Miles Teller). Et puis l'obsession de ce réalisateur pour l'alcool et les alcooliques tourne à la lubie (The Spectacular Now donc mais aussi Off the black, Smashed et en partie le film critiqué ici même). J'ai envie de voir tous ses films pour percer le secret et la logique de ce sujet qui semble obséder ce metteur en scène.


Ces quelques promesses affichées,qu'en est-il après visionnage de The end of the Tour ?


Je ne sais pas à quel point le film respecte le matériau de base (je n'ai pas encore eu l'occasion de lire le bouquin dont il est tiré Même si, en fin de compte, on devient évidemment soi-même) mais c'est effrayant de voir à quel point on ne nous raconte rien ici (ou si peu ... Ou si mal !). Au travers de dialogues soit très quelconques soit à potentiel mais mal exploités, on suit l'errance de ces deux écrivains : l'un (David Foster Wallace/Jason Segel) a enfin un succès fou qu'il souhaitait et craignait. Cette crainte du succès et de tout ce qu'il engendre s'est d'ailleurs transformée bien rapidement en une angoisse prédominante et quasiment matérialisée. L'autre (David Lipsky/Jesse Eisenberg) est un jeune écrivain quelque peu "raté" qui travaille pour le magazine Rolling Stones et envie assez largement la situation de son aîné.


Tout sonne assez faux et superficiel : est-ce que ces défauts ne sont à mettre que sur le dos des dialogues (je suis presque persuadé que tout a été élimé et simplifié) et du scénario (les films actuels, lorsqu'ils sont aussi "académiques", suivent une progression logique qui ne correspond pas toujours à l'histoire qui est mise en image) ? Je ne sais pas mais il me semble que non.


Déjà, après visionnage du film (oui, c'est plus simple :p) je ne suis pas certain que ce livre ait eu un jour un quelconque potentiel cinématographique : si oui, il est ici bien mal exploité avec une mise en scène super basique et très très peu inspirée. On a du champ/contre-champ banal et au cadrage très sage (ou carrément raté). La caméra a beaucoup de mal à se situer par rapport à ce que son sujet raconte.Le résultat est sans appel : au lieu d'être mis mal à l'aise par les personnalités particulières et l'étrangeté de ce dialogue quasi ininterrompu entre deux écrivains, on se sent plutôt mal parce que la mise en scène peine vraiment à retranscrire ne serait ce qu'un peu du génie et de l'originalité des deux personnages filmés.


L'autre énorme problème, c'est le casting :


Jesse Eisenberg est celui qui s'en sort le mieux alors qu'il est clairement très moyen. Disons qu'il arrive à nous vendre correctement son personnage d'écrivain/journaliste fouineur et un brin désagréable mais quelque peu rattrapé par ses sentiments et ses scrupules. On ne va pas se mentir; ce rôle correspond plutôt à ce que Jesse Eisenberg sait jouer. Et pourtant, je ne suis pas convaincu.


Les deux femmes (les deux seuls seconds rôles "notables") ne sont là que pour jouer des pots de fleur. Pourquoi pas après tout ? Mais au risque d'être superficiel, si c'est pour jouer des rôles aussi inintéressants, il aurait été cool de choisir des actrices un peu moins laides et/ou dégageant un peu plus de personnalité (je me laisse rarement aller à ce genre de commentaires mais l'inutilité de ces deux personnages m'a vraiment rendu dingue).


Enfin, le gros problème, c'est Jason Segel. Pendant 1h45, on a l'impression de voir Marshall d'HIMYM qui nous fait une pâle imitation de DFW.


Le problème, c'est que l'acteur n'a ni l'intelligence dans le regard, ni la diction (très variable durant tout le film même si on comprend ce qu'il essaye de développer), ni même la gestuelle/les particularités qui auraient permis de l'imaginer dans la peau de ce fameux et merveilleux écrivain. On a donc plus l'impression de voir un mec déjà pas bien futé qui sort d'un AVC qu'un écrivain brillant mais totalement bouffé par son trac et ses différents démons. C'est très embarrassant.


Bref, le film ne m'aura servi qu'à une seule chose : foncer de nouveau dans les bouquins de cet auteur génial qu'est David Foster Wallace. J'espère cependant que la médiocrité de l'oeuvre de James Ponsoldt n'aura pas refroidi celles et ceux qui comptaient se lancer dans l'univers dingue d'un auteur parti beaucoup trop tôt.

Mattchupichu77
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le 31 déc. 2015

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