Avec The Fall Guy, David Leitch et son équipe rendent un hommage talentueux à la série de même nom, aux séries américaines des années 80 auxquelles ils multiplient les allusions visuelles, sonores, musicales ou verbales, et aux métiers techniques qui permettent la concrétisation d’une vision artistique, son passage de l’abstrait au concret, métiers invisibles et essentiels du septième art. Un tel postulat légitime la transgression du quatrième mur, si souvent investi par les productions contemporaines médiocres pour habiller sans pourtant masquer leur incompétence : le film se nourrit de ses propres images et de celles que génère sa réalisatrice Jody Moreno, de la même façon qu’il diffuse une chanson de manière extradiégétique ou, au contraire, se saisit d’un refrain intra pour l’adopter puis le restituer. Autrement dit, Leitch se saisit du métier de cascadeur comme d’un prétexte à l’exhibition des artifices inhérents au spectacle qu’il met en scène ; le respect dont il témoigne à l’égard desdites professions investies repose d’ailleurs sur la grande maîtrise de l’action, aux séquences parfaitement exécutée et toujours lisibles.
Ce regard amusé et tendre sur les coulisses conduit à une autocritique de l’industrie hollywoodienne, lui opposant un renversement de la polarité action/romance : si d’ordinaire la romance habille l’action sans la nourrir véritablement, ici elle trouve en l’action sa transposition, telle une métaphore de la douleur d’une passion amoureuse éprouvée sur plusieurs années. Ryan Gosling poursuit son entreprise d’autoparodie, déjà amorcée par The Nice Guys (Shane Black, 2016) et surtout par Barbie (Greta Gerwig, 2023) : il immortalise par ses nuances comiques chacun des (nombreux) plans où il apparaît, redoublé par la magnifique Emily Blunt dans un rôle tout aussi hilarant que puissant. Le long métrage ose jouer la carte de l’amour en réponse aux blockbusters récents qui l’utilisent pour remplir un paquet sinon bien vide ; il parodie les grands succès de la Warner, notamment Mad Max: Fury Road (George Miller, 2015), avec ses explosions rouges et ses guitares employées comme des armes, et Dune (Denis Villeneuve, 2021 et 2024) gentiment chahutée par une imagerie orange, des poses ridicules et moult cris de femmes piqués à Hans Zimmer. Un régal de cinéma !