À la manière de son premier film Troll Hunter, qui puisait dans le found-footage à l'américaine pour livrer un objet aussi intelligent que décalé, le réalisateur norvégien André Ovredal fait également avec Autopsy of Jane Doe un poids deux mesures : il use du décorum simpliste d'un crématorium pour installer d'exigeants mystères, et installe le fantastique de façon dithyrambique pour mieux définir des portraits plus personnels et psychologiques. Le long de cette étrange autopsie, Ovredal se révèle des plus talentueux dans la science de la rupture de ton.


C'est d'abord dans son caractère horrifique que réside le défaut majeur du film : les excès de ce dithyrambisme, quand le cinéaste use ici et là de jump-scares tout à fait dispensables. À croire que cela faisait parti du cahier des charges, tant le contraste demeure avec le minimalisme ambiant du film et ses astuces beaucoup plus ingénieuses.


Lorsque le surnaturel se laisse deviner, ou quand il se révèle plus palpable et menaçant, Ovredal a ce talent de littéralement figer le temps, de dilater la temporalité filmique, pour installer l'angoisse avec brio et décrocher la mâchoire du spectateur, même à travers les simples interférences d'un poste de radio... Le réalisateur d'Autospy of Jane Doe a ce sens de la césure, en colmatant le rythme de la longueur et des échelles de plan, en étant plus subtil dans leur découpage, en étouffant l'environnement sonore. Il invoque ainsi ces moments de flottement de pure terreur au milieu des énigmes qui se posent. La trouille est un art, une histoire de bon rythme, et Ovredal le maîtrise parfaitement.


Le fantastique et les énigmes s'installent donc progressivement dans Autopsy of Jane Doe, empoisonnant ce qui commence comme un film policier et une chronique familiale avec ces deux médecins légistes de père en fils. De plus en plus de questions se posent au milieu de ces exercices de flippe extra-efficaces, et ce pur souffle de série B amène aussi à réfléchir à quelques pistes de réflexion très pertinentes.


Car ces morbides mystères qui s'empilent donnent forme au fond plus intime du film : la relation père/fils des deux protagonistes. Deux personnages qui ont dû prématurément faire face à l'épreuve du deuil, et qui se sont retrouvés paumés, rongés par la culpabilité, hantés par des chemins différents et n'osant pas se dire les choses en face. Les énigmes du cadavre de Jane Doe et la nature même de la question surnaturelle font alors complète fusion avec ce poison du non-dit, où l'horreur devient radicale quand ces personnages se cachent, se mentent ou s'enferment dans le silence. Là réside la puissance première du fantastique ici, jamais gratuite et toujours moteur des enjeux du récit.


Dommage que le dernier acte s'embourbe sous le poids des révélations, expliquées à la hâte, le scénario s'emballant sans toutefois baisser le niveau du trouillomètre. Le twist reste aussi une belle surprise, fulgurance peu subtile qui ne s'est jamais laissée deviner... The Autopsy of Jane Doe se révèle au bout du compte comme un huis-clos terrifiant et, à défaut d'être vraiment subtil, littéralement ingénieux, où la morbidité des morts se confond aux secrets des vivants. La réalisation est maîtrisée et les frissons sont garantis.


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MaximeMichaut
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le 5 juin 2017

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