The Murderer -황해-
Titre international : The Yellow Sea
Thriller Coréen écrit et réalisé en 2010 par Hong-jin Na (나홍진)
Le pitch (allociné) :
"Yanji, ville chinoise de la Préfecture de Yanbian, coincée entre la Corée du Nord et la Russie, où vivent quelques 800 000 Sino-coréens surnommés les «Joseon-Jok.» 50% de cette population vit d’activités illégales. Gu-nam, chauffeur de taxi, y mène une vie misérable. Depuis six mois, il est sans nouvelles de sa femme, partie en Corée du Sud pour chercher du travail. Myun, un parrain local, lui propose de l’aider à passer en Corée pour retrouver sa femme et même de rembourser ses dettes de jeu. En contrepartie il devra simplement… y assassiner un inconnu."
Première impression :
A l'instar de la Corée, le cinéma coréen est presque inconnu en France et je dois dire qu'il m'est également resté très longtemps caché. J'avais bien vaguement entendu parler de Old Boy, mais les bandes-annonces ne laissant augurer qu'un cinéma ultra-violent et je n'y avais pas vu d'intérêt particulier.
Après avoir vu plusieurs thrillers coréens, il m'apparait que cette ultra-violence est bien différente de celle vue dans les films américains. Elle n'est pas là pour en mettre "plein la vue", mais sert souvent de toile de fond et de révélateur des émotions, elle permet à l'intrigue (qui régulièrement peut se résumer sur une feuille de papier toilette) de se complexifier. L'ultra-violence présente dans nombre de films coréens permet d'exprimer par l'image ce que le cinéma occidental tente de faire passer par des longs sanglots ou des cris de désespoirs.
"The murderer" est parfaitement dans cette lignée où les longs monologues sont remplacés par des silences qui en disent tout autant. Les scènes d'actions alternent avec ce qu'on pourrait appeler les "moments vécus" qui développent soit l'intrigue soit les personnages. Dès le début, Hong-jin Na place le spectateur dans une ambiance lourde, dans la crasse de la misère et de la pègre, cette impression ne nous quitte pas de tout le film. Le protagoniste parle peu et pourtant on pourrait presque entendre ce qu'il pense. C'est le non-dit, le jeu toujours juste de Ha Jung-Woo (하정우) qui renforce le personnage principal.
Pas de flingue, les combats se font au couteau de cuisine ou à la hache. Pas d'art-martial esthétique non plus, mais de la brutalité pure, de l'instinct animal. Sale. Les nombreuses courses-poursuites du film sont tournées souvent en plan serré et si cela nuit parfois à la lisibilité des scènes, cela renforce l'émotion dégagée par les personnages. Ces scènes sont intenses même si on peut regretter parfois certaines longueurs.
A la première lecture, "The murderer" peut alors ressembler à un bête film d'action bien fichu qui permet de passer une bonne soirée sans trop réfléchir. Pourtant il s'agit bien d'un thriller où chaque protagoniste a ses propres motivations que le film nous permettra de découvrir. Ces motivations expliquées tardivement rendent le film parfois un flou, mais c'est cet inconnu qui permet au film de ne pas être ennuyeux.
On ne peut que regretter le choix du titre français "The murderer" car il cache la seconde lecture possible du film qui est pourtant très claire dans le titre international : "The yellow sea". En effet, la Mer Jaune est le nom donné à la mer séparant la Chine de la péninsule coréenne. On peut alors déceler plus facilement le thème de l'immigration des Joeseon-Jok en Corée du Sud.
Les Joeseon-Jok sont les coréens de Chine, souvent pauvres et dont beaucoup cherchent à rejoindre l'eldorado que peut représenter la riche Corée du Sud. Miséreux et exploités, ces immigrés ne semblent pas considérés comme des Coréens bien qu'ils parlent la langue. Quelque part ils me font penser aux Nikkei, ces brésiliens d'origine japonaise qui sont exclus de leur "japonité" par le groupe.
Tout au long du film, Gu-nam (le personnage central), cherche à prendre des nouvelles de sa femme qui a quitté la Chine pour la Corée du Sud. On peut alors comprendre que les nombreuses scènes d'actions dont se relève Gu-Nam avec rage sont autant d'allégories des épreuves que doit franchir un immigré clandestin dans son propre pays.
Bon thriller cachant une certaine critique sociale, "The murderer" mérite amplement un 4/5. Et vous qu'en avez-vous pensé ?