À l'époque, je l'avoue, j'adorais déjà le cinéma. C'était comme des tours de magie et j'ai toujours été facilement impressionnable.
À cause de mon vieux qui, lui-même, crachait pas dessus et m'avait toujours, greffé à sa pogne, j'ai mangé de la péloche plus que de raison.
Ce mec a planté la graine insidieuse de la cinéphilie dans ton serviteur, mon ami.
Sans vergogne.
J'ai son nom, son adresse et je suis à deux doigts de le dénoncer.


Je me souviens des Grands Boulevards, accroché à papa. J'avais les cheveux aussi blonds que les siens étaient crépus, les yeux aussi bleus que les siens étaient noirs.
Les samedis matin sur le pavé luisant de Strasbourg Saint-Denis, au lieu d'aller à l'école, à l'époque bénie où les cinémas y pullulaient encore. Deux films pour même pas le prix d'un.
Du karaté aux images rabotées, des polars crapoteux, des comédies de tous les horizons, des westerns dégoulinants... je sais pas, j'ai toujours aimé qu'on me raconte des histoires et ce quartier qui n'allait pas tarder à muter était mon paradis.


Il y avait aussi les Dernières Séances de Monsieur Eddy que jamais, je dis bien jamais, je ne loupais sous peine de m'autoflageller à coups de chapelet que je confectionnais en haricots secs, car les flageolets, ça fait péter.
Tout trouvait grâce à mes yeux.
Lorsque je fus en âge de décrocher ce croulant de ma petite main devenue grande et que, par mes propres moyens, je me promenais dans la Capitale, les cinémas étaient les points d'impact de mon ricochage incessant.
Comme une malédiction, presque.
Mes cheveux avaient un peu bouclé avec le temps, prenant une teinte plus sombre, mais j'avais toujours ces yeux que Paul Newman m'enviait.
Tu m'aurais demandé ce que signifiait "être cinéphile", j'aurais probablement répondu: «Je sais pas, je connais pas tous les pays étrangers».
J'étais déjà con comme une chaise.


Je me souviens de ce jour d'été, du côté de la place Gambetta. J'avais rien d'autre à foutre que rien foutre et fallait que je voie un film, bordel !
J'avais sur la couenne le poncho que j'avais acheté à la Fête de l'Huma, il devait pas faire chaud. Il était violet et blanc, discret, j'ai toujours eu le goût sûr.
Lorsque je l'ai vu, à plat, sur l'affiche, avec un gros noir moustachu : Mel Gibson !
Lui, je le connaissais mais il était déguisé, il avait de gros cheveux.
J'ai toujours eu une mémoire pornographique pour peu que le truc à se souvenir m'intéresse un tantinet.
C'était Max. Le fou. Mais avec des cheveux, comme une permanente. Genre beau gosse, bronzage, sourire en coin, joie de vivre.
Mais avec un noir moustachu à côté de lui.
Bim, ni une, ni deux : je demande à la dame dans sa boîte en verre une place pour cette « Arme Fatale 2 ».
J'avais jamais entendu parlé du premier, c'est te dire le cinéphile de pacotille, à qui t'aurais pas adressé la parole, que j'étais.


Et c'est sans doute pour ça que j'ai une tendresse particulière pour le second volet des aventures de Martin Riggs que je considère comme le mètre-étalon du genre Buddy movie.
La claque dans ma belle petite gueule, le film commence que je me demande déjà si j'ai pas loupé un truc...
Des dialogues qui fusent autant qu'une action brute, too much, quelque part annonciatrice des vagues de héros en cape et collant d'aujourd'hui, crédibilisant l'incroyable, juste pour le fun, immortels d'accord, mais à visage découvert.
Encore un tour de magie.


Et là, je viens de voir The Nice Guys de Shane Black. C'était propre. Ça m'a rendu tout nostalgique...
Un film qui se passe à L.A dans les années 70 avec des tocards qui enquêtent sur un truc dont on se branle dès le début, mais avec rythme, maladresse, ce qu'il faut de grossièreté, de violence et d'humour pour me faire la journée, c'est simple, je signe à chaque fois.


Après la tartine que tu viens de te taper, je devrais pas avoir à m'expliquer davantage mais je vais, baigné dans ma mansuétude coutumière, essayer de te faire cerner mon système de notation.
Déjà, « Papa was a rolling stone », d'emblée, ça devrait valoir 3 points. Un plan de poitrine on ne peut plus honorable avant 5 minutes de film, 3 autres points. On est déjà à 6, forcément, mon canapé me voit me redresser comme un seul homme. Ça tombe bien, je suis seul.
Je serais pas en train de visionner un chef-d’œuvre ? Parce que 6 après 5 minutes, depuis que j'ai un compte SensCritique, ça me fait ça qu'avec un Tarkovski, d'habitude.


Bon, le mec n'a pas inventé le genre, mais y a grandement contribué, alors le couple Crowe/Gosling fonctionne du tonnerre, l'alchimie toussa.
Même la môme te donne envie d'aimer les enfants.
En tout bien tout honneur.
Je vais faire mon radin, mais je donne 1 seul autre point, parce que, faut pas non plus me prendre pour un pigeon. Surtout que j'en ajoute un autre pour le clin d’œil des Earth, Wind and Fire et surtout, surtout, pour la bedaine assumée de Russell.


Enfin bref, le temps passe, les ventres poussent, les cheveux se font plus rares, les yeux se délavent, mais rien ne change vraiment. Les mecs appuient sur le même bouton, tirent sur la même ficelle, et toi, con que tu es, tu plonges.


Tu penses à quand t'étais petit, que tu rêvais déjà les yeux ouverts, et que toi aussi, tu voulais être un peu magicien.

DjeeVanCleef
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le 10 janv. 2017

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