The Offence
7.3
The Offence

Film de Sidney Lumet (1973)

En vérité, Lumet est un cinéaste que je redécouvre. Et « The Offence » m'a séché comme un uppercut à la pointe du menton, alors que je ne m'y attendais pas, que j'avançais, jovial. J'ai les yeux plein d'étoiles, la langue comme un bout de carton, j'ai mal, je me frotte la tête.
Je suis sonné.

Le monsieur convoque d'entrée Sam Peckinpah (je sais, ça tourne à l'obsession) dans un flash-forward stylisé, au ralenti, où sourd la tension, l'angoisse. On sait qu'on a déjà atteint le point de non-retour.

Dans une banlieue anglaise, une bête tourne inlassablement autour des enfants. La police est sur les dents.

L'humidité, ce ciel lourd de nuages qui dégueulent, de l'épaisseur, du gris et ce point blanc, cette petite jupe plissée qui s'éloigne sur un chemin de terre.

Dans un portrait de flic comme il sait si bien les faire, Lumet nous parle culpabilité et responsabilité. Il fouille des territoires sombres, en bon explorateur insatiable, passe la frontière entre le bien et le mal.
La violence de certaines scènes qui ne sont que dialogues est incroyable. Comme si on mettait des mots sur un truc que t'as jamais formulé mais que tu as toujours pensé. Il y a cette scène, ce retour à la maison de Sean qui parle enfin à sa femme de certains de ses tourments en vidant, proprement, une bouteille de whisky. Et cette phrase...
« Si tu pouvais prendre mon esprit entre tes mains, si tu pouvais apporter le silence et la paix. Si seulement tu pouvais... »
Et le double affrontement, Connery/Bannen puis, Howard/Connery, quand le chasseur fond sur sa proie, puis devient chassé, tourmenté à son tour. C'est joué par des grands, d'accord, mais c'est filmé avec tellement de classe, de retenue, qu'on ne peut qu'être emporté.

Adapté d'une pièce de théâtre, le film est maîtrisé, stylisé sans excès, sans manières. Ici tout est matière : le ciel, le sol, les hommes, les cauchemars. La lumière ne passe pas.
La construction, d'une intelligence rare, te fait prendre fait et cause pour ce flic qui doit faire avec ses démons, ses obsessions toujours plus douloureuses. Le parallèle avec « L'étrangleur de Boston » de Richard Fleischer saute aux yeux, même si le Lumet bifurque vers un troisième acte totalement nihiliste.

Sean Connery est un volcan, calme mais terriblement menaçant, explosant sans prévenir et d'une justesse rare. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Il est tellement loin de Bond, de ce qu'il propose d'habitude. Il ne sourira pas, tu ne verras pas son sourcil se relever. Il les fronce. Et t'expose une facette que je ne connaissais pas. Toi, peut-être, mais pas moi.

Bon du rose maintenant, de la joie parce que là, si j'avais une branche assez solide sous la main, et si je savais faire un nœud coulant, je me ferais bien une jolie cravate.

Je ne vous remercie pas, messieurs.
DjeeVanCleef
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le 21 mai 2014

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DjeeVanCleef

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