Oui toi, celui qui déprime depuis que Schwarzy a choisi la politique, Jet Li a la souplesse du déhanché de Dick Rivers, Stallone nous a bien douché avec son premier Expendables, JVCD ne fait plus de grand écart. Tu te demandes ce qu'il se passe dans la tête des gens pour qualifier de "action" une grosse bouse avec Justin Timberlake, et tu as déjà programmé ton suicide pour le jour où Bieber sera le héros de la prochaine trilogie Die hard.

Reprend espoir. Car à quelques milliers de kilomètres, en Indonésie, un réa en a, lui aussi, eu marre et s'est dit qu'il était temps de montrer que les hommes actuels ont encore des couilles velues comme un ours. Et il nous a donné The Raid.

Il faut pourtant dire que la confiance ne régnait pas. Le buzz autour du film avait de quoi déplaire, on pouvait légitimement se demander si le meilleur n'était pas déjà montré, à l'image de ce qu'on connaît aujourd'hui dans la communication du jeu-vidéo (coucou Uncharted 3). De plus, le cinéma philippin n'est pas vraiment un cinéma appétissant, il faut bien l'avouer, le peu de visible rappelle énormément le cinéma thaïlandais et les qualités de ses films d'action sont... discutables. En bref, l'attente n'était pas énorme mais l'espoir naissant, un sentiment qu'on a que trop peu vécu depuis le soulèvement du cinéma d'action pour dames qu'on se bouffe depuis plus d'une dizaine d'années maintenant.

Le film s'ouvre sur une montre qui tic tac frénétiquement. Il est quatre heure du matin, un homme prie. Puis il enchaîne abdos, tractions, tape un sac de boxe avec fureur. Sa femme dort, il l'embrasse. Elle doit se reposer, le polichinelle dans le coffre en a besoin. Avant de sortir de la maison, l'homme croise son père, visiblement très inquiet. "Je reviendrais".
Cette ouverture, limpide au possible, permet déjà de se rassurer sur quelques points. Tout d'abord, le réa veut nous dire que le temps joue un rôle important, donc le rythme. Quand l'homme prie, le tic tac se fait pesant : il perd son temps. En terme de vision d'action, on peut être rassuré, et le plan de tape sur le sac de boxe est aussi là pour nous dire qu'on ne va pas rigoler, lancer du pop corn, et assister aux aventures d'un blaireau aussi sec qu'une spaghetti.
Par contre, tout de suite on est aussi conscient que l'histoire, qui au final se révèle être tout à fait solide, sera un peu forcée par un talent moindre au niveau du développement de celle-ci. Non pas qu'elle soit moins importante, laissée de côté ou moins prise en compte, mais le réa semble beaucoup moins à l'aise tout simplement. Savoir que la femme du personnage principal, Rama, est enceinte aurait pu passer autrement que par une phrase plate au possible. Par contre, la confrontation avec le père inquiet est réussi, joue avec les regards. Bref, c'est un peu moins assuré de ce côté.

On retrouve notre rama dans un cargon d'une unité de policiers d'élite. Dans un petit monologue, le chef explique que la cible, un certain Tama Riyadh, est une vraie légende parmi la pègre. Ce sera une mission périlleuse, de par les deux zigotos qui l'entourent, un vrai taré des arts martiaux et un "cerveau". Mais surtout la situation : un immeuble qui, depuis 10 ans, est devenu un lieu de non-droit où les flics ne peuvent pas rentrer. Certaines des chambres, pas toutes, sont louées à des assassins, dealerr, macs, en bref ça risque d'être coton.
L'ambiance monte d'un cran. Le cargon blindé d'hommes sur-armé, le monologue efficace du chef, et surtout coupé par une introduction du boss et sa garde rapprochée réussie : c'est violent, cruel, malsain. L'impression laissé par l'introduction se confirme, on n'est pas là pour rigoler. On sent de la tension, certaines voix s'élèvent poser des questions qui trahissent la peur, des inserts sur des mains tremblantes.

Mais pas le temps de s'arrêter, dès la sortie du fourgon, on comprend qu'il ne s'agit pas que d'un simple assaut, mais d'une guerre. Les policiers d'élite se déploient en formation, on parle d'un bleu dans l'équipe, un homme expérimenté demande à ce qu'il soit placé à l'arrière. Premier plan sur l'immeuble. Imposant, dégueulasse, c'est une sacrée journée qui se prépare. Un, deux, trois, une porte s'ouvre et la vingtaine d'hommes s'engouffre dans la cours. Attention, première sentinelle en vue et éliminée. Puis un habitant, apparemment loin d'être un caïd, qui sera sous la protection du bleu, notre Rama. L'équipe rentre enfin dans l'immeuble, et là...

Tout d'abord, c'est le soin apporté au décors qui frappe. De l'extérieur, l'immeuble faisait déjà peur. A l'intérieur, c'est insalubre, on rentre dans l'antre de drogués qui se font dessus, rien ne nous est épargné. Très vite, Gareth Evans prouve qu'il a tout compris, car l'utilisation de ce décors est la plus optimale possible. Tout sert d'arme, tout peut servir, tout peut déservir, c'est du grand art. Intervient alors ce qui va mettre, en plus de la dimension action sérieuse, la touche de folie. Un ado croise le chemin de la troupe d'élite. L'ordre lui est donné de ne pas bougé. On se demande si... Pas le temps, l'ado s'enfuit par la porte du fond du couloir qui donne sur une grande cage d'escalier. L'action se passe au ralenti. Le gamin crie à un autre "flic", un des policier, le plus expérienté, tire une balle. Elle traverse la porte et se loge dans le coup de l'adolescent qui tombe raide mort. Le chef montre son désaccord, mais l'autre enfant est signalé. "Putain de merde", et c'est une course effrénée qui suit, caméra au poing, gros impact visuel.

Cette séquence, très brutale, donne le coup d'envoi. Tama Riyadh lance la guerilla par un appel dans le réseau de haut-parleurs. De plus, il fait couper les communications, fait verrouiller toutes les sorties, et prévient des snipers aux alentours. Et ce qui suit est qualifiable de gros fantasme du fan d'action, qui voit alors le film devenir un suvival racé, très puissant, dans une ambiance très étrange. Les habitants, leurs attaques qui fait parfois penser à un film de zombie, on est dans l'irationnel, l'inexpliquable. Quelques plans sont tellement fous que le fait de cligner des yeux est handicapant. Je pense notamment à cette folie, quelques soldats qui se fabriquent un trou, pour s'échapper d'une chambre prise d'assaut, à l'étage du dessous. Ils sautent dedans... le cameraman aussi, toujours au centre du groupe, la tension extrême, et ça continue. L'effet, au-delà du fait qu'il est dingue, marche du tonerre. Et le spectateur suit ça, les mains crispées, bouche bée.

Bouche qui ne se fermera pas jusqu'à la presque fin (quelques légères longueurs dans le dernier quart du film). Bien sûr, dans ce déluge de folie furieuse, quelques choix peuvent paraître un peu trop barrés, sciemment puisque parfois on sent une pointe d'humour pointer le bout de son nez. Mais pas un humour moqueur, non, plutôt celui qui te dit, entre deux droites dans la face, "bon sang tu vois comme ça t'avait manqué". Mais bon sang, après cette période de vaches maigres où les héros des films d'action tenanient plus du film pour teenagers qu'autre chose, on ne boude pas son plaisir. Faire une liste de ce qui m'a arraché un "putain de merde" serait trop longue, et surtout il faut garder la surprise (croyez moi, je n'ai pas décrit 1% de ce qu'il se passe de plus fou).

Une heure trente d'adrénaline, de violence (c'est même très violent), de baston, sans qu'on ne te prenne ni pour un gamin, ni pour un geek, ni pour un ado, ni pour un bobo, bon sang ça faisait des années. Seulement, le film n'est pas non plus parfait. Bien entendu, certaines voix, et on sait d'où elles viendront, vont s'élever contre le manque de fond. Ces voix seront bien vite balayées évidemment. Quel fond avait Die hard ? Par contre, le choix d'un étalonnage forcené peut être discuté. Le choix de surexposer l'extérieur, pour bien enfermer l'action, ne marche pas bien. Au contraire même, c'est le montrer à quelques occasions bien précises qui créé l'impression de hors champs, voir ce qu'a pu faire Carpenter avec son Assault. Et puis ces couleurs avec ce rendu tendent vers un effet trop visible. Pas vraiment beau, mais pas génant.

Une toute petite, infime déception à ce niveau donc. Mais ça ne doit pas faire oublier la chair de poule qui dure jusqu'au-delà du film, dûe aux images qui continuent à vivre dans le crâne d'un amateur d'action enfin rassasié. Il était temps. Et Gareth Evans, pour son deuxième film, devient de suite un réalisateur à suivre de très très très près.
Bavaria
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le 2 juin 2012

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