La genèse de The Survival of Kindness, racontée par Rolf de Heer sur le site de Nour Films, est déjà incroyable et je vous invite à la consulter. Revenons ici sur l’identité de ce film presque muet, avec très peu d’acteurs, filmé dans les décors les plus sauvages de la Tasmanie. C’est bouche bée et admiratif, que vous constatez la patte affûtée du réalisateur et de son équipe technique pour capturer de telles images de forêts, de montagnes ou de lieux quasi à l’abandon dignes d’expéditions en « Urbex rural ». Ensuite, c’est la force emblématique de ce récit où une femme enfermée dans une cage, va réussir à en sortir pour regagner une certaine « idée de la civilisation ». Rolf de Heer reconvoque les logiques de survie dans un monde hostile où les contacts humains sont pauvres et malsains. Or l’opiniâtreté de son anti-héroïne déshéritée, lui permet de rencontrer deux enfants avec lesquels elle va nouer des rapports de confiance et de partage.Non téléphonée,l’histoire amène le spectateur à s’emparer de chaque rencontre pour en tirer une atmosphère ou de chaque événement pour en tirer un sens singulier ( à défaut d’être précis). Comme l’expérience en soi est vertigineuse, vous êtes un enquêteur et si vous êtes assez perspicaces, votre intuition vous fera déduire le désarroi de la femme survivante et de son repli volontaire de la civilisation violente et odieuse, pour un choix terrible mais logique. Il faut avouer que The Survival of Kindness est une véritable claque esthétique autant que son propos est radical mais le voir, c’est une expérience cinématographique à part entière où le beau côtoie l’immonde, où la détresse peut déboucher sur un certain apaisement mais où rien n’est vraiment gratuit dans la volonté de désigner une nature humaine souvent violente, injuste et démente pour défendre de misérables particules d’intégrité.