Une rêverie vaporeuse. Un film fascinant. Regarder The Text of Light comme on regarderait les formes disparates d'un ciel voilé, nuageux. Stan Brakhage réalise là un objet de pure expérimentation plastique, mettant en forme l'informe et l'obscurité, livrant une oeuvre de perception et d'exploration visuelle.


A la manière d'un Pierre Soulages le cinéaste travaille, triture la frontière séparant ou rapprochant le noir de la lumière, retranchant au maximum les éléments distincts voire perceptibles. Nulle réalité, nulle temporalité : simplement et uniquement de la matière, et l'éternité. Chaque vision de ce texte filmique propose un choc inédit, parfois dérisoire, souvent grisant et définitivement moderne. Les couches feutrées, magmatiques s'apposant à la toile noire de jais de Brakhage permettent une délicieuse gymnastique du regard pour qui aura l'ouverture d'y pénétrer...


On semble rentrer dans la peau de ce film comme un nourrisson lové dans une bulle amniotique, involuant au gré d'éclats de couleurs fugaces et diffuses. Voir cet infra-monde par les moyens d'un prisme inventé seconde après seconde, puis constater sa mort d'une image à l'autre... De temps à autre quelques percées blanchâtres viennent moucheter l'écran, tel un précipité chimique s'amusant à créer d'autres dimensions microscopiques ; imperturbable le silence du film nous laisse totalement libre d'interpréter la durée des plans et de vagabonder avec le musée imaginaire logé au creux de notre cerveau.


Voilà donc un film extrême, au sens littéral du terme : à la limite même du visible The Text of Light brouille pratiquement toutes les barrières optiques, montrant finalement qu'il n'y a plus grand chose à voir... à peine un film qui mine de rien donne énormément de lui-même, créant à chaque instant une forme nouvelle et complexe. Stan Brakhage signe là quelque chose d'unique.

stebbins
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le 13 janv. 2017

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