The Times of Harvey Milk
7.6
The Times of Harvey Milk

Documentaire de Rob Epstein (1984)

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Un bon documentaire de fond, une bonne photo de l'époque.

"The Times of Harvey Milk" est un bon documentaire. Il vous offre une analyse intéressante sur la société de l'époque, largement dominée par le puritanisme religieux d'une large partie de la communauté blanche Américaine, mais dans laquelle s'insèrent également de nouveaux courants de pensées, dont celui du Gay Friendly.
Tout au long du film, on se focalise sur le bouillon de culture que représente la Californie de l'époque, plus progressiste, plus tolérante, avec des avancées notoires pour les droits de la communauté Afro-Américaine, mais aussi de la communauté Gay. Le film décrit je trouve assez posément la période, avec de nombreux extraits de journaux télévisés, surtout locaux d'ailleurs, mais aussi des extraits de la presse écrite, et enfin de nombreuses interviews.
On se focalise par contre logiquement sur l'environnement d'Harvey Milk, puisque c'est le propos, mais le documentaire est suffisamment étayés pour mieux comprendre les mouvements de pensées de l'époque. Par ailleurs Robert Epstein vous immerge dans la vie de San Francisco en vous donnant toutes les clés pour bien en comprendre les rouages et les attentes des habitants, voir d'une bonne partie des États-Unis, puisque San Francisco se retrouve en tête de file d'un mouvement sans précédents.
J'ai trouvé ce point d'autant plus intéressant que le film restait accessible avec le recul, (il est sorti en 1984) et pour des Européens, étrangers aux moeurs Américaines de l'époque.
Le réalisateur vous expose donc avec précisions les enjeux des élections des superviseurs de districts de la ville de San Francisco, avec la victoire de Milk et l'espoir émergeant pour une communauté mise au banc. On y découvre aussi la fameuse proposition n°6 du sénateur Briggs, qui prévoyait d'évincer les personnes Gay ou considérées comme telle des branches de l'administration, et plus particulièrement dans l'éducation. L'épisode n'est pas sans rappeler le Mac Carthisme et sa tristement célèbre "Chasse aux Sorcières".
Je ne connaissais pas Harvey Milk, mais par le biais de ce documentaire, j'ai pu mieux mesurer l'état de nervosité de la Société Américaine de l'époque, encore empêtrée dans la rigueur d'un Catholicisme puritain de moins en moins toléré par les jeunes de l'époque, la Guerre du `Vietnam et évidemment, les retombées de Woodstock, point culminant du mouvement hippie.
Et voir tout cela à un échelon local est particulièrement intéressant en soi.

Autre point que je trouve tout particulièrement bénéfique, on n'a jamais non plus le côté larmoyant et scénarisé que je trouve méprisable dans beaucoup de documentaires ou de talk shows US. Même si plusieurs interviews se terminent avec des larmes, on sent bien l'authenticité du témoignage, et surtout l'attachement qu'a pu susciter Harvey Milk pour ses proches, et même, plus surprenant, pour ceux qui ne l'ont approché que brièvement.
J'ai découvert un personnage attachant, très à l'aise avec lui-même et avec les autres, très souriant. Son charisme transpire à chaque instant mais ne vous écrase jamais. On sent, et c'est aussi le drame de ce fait divers, un personnage profondément humain et tourné vers les autres.

Je terminerai par Dan White, l'assassin du Maire Moscone et de Harvey Milk. Je maintiens que ce documentaire n'est pas à charge parce qu'il s'intéresse au personnage, et tente d'apporter la lumière sur son geste sans forcément l'interpréter. Je regrette simplement qu'aucune interview de lui n'ait été ajoutée au documentaire pour en permettre une plus grande objectivité. Mais l'ensemble des éléments reste suffisante, car le documentaire n'est sorti que peu de temps après la libération de White. Avec plusieurs interviews de lui, de ses proches et de sa famille, on peu faire un tour d'horizon assez complet pour éviter une certaine démagogie. On découvre donc le contexte de son élection en tant que superviseur du huitième district, mais aussi son impulsivité. Il créera au final lui même sa chute en démissionnant soudainement de son poste, sans avertir ni ses proches ni ses collaborateurs, et en mettant sa famille dans une situation difficile. Même si le Réalisateur ne prend pas ouvertement parti contre Dan White, on sent que l'orientation naturelle du documentaire penche en faveur de Milk, mais il n'y a pas grand chose à dire malheureusement pour sa défense, car les interviews de l'époque démontrent une préméditation évidente du double meurtre, et une grande frustration dans son travail.

J'ai donc un très bon a priori sur ce film. Il offre un tour d'horizon complet sur Harvey Milk, son entourage et son époque. Je comprend maintenant beaucoup mieux les mouvements populaires de l'époque, avec leurs enjeux, tout en appréciant l'authenticité des témoignages, qui permettent de poser un regard calme et objectif sur la communauté Gay sans la stigmatiser ou jouer sur de vieux poncifs démagos. Le fondamentalisme profond de la fin des années 80, qui vacillait sur ses fondements avec la peur de la remise en cause d'une structure archaïque de la famille et de l'interaction naturelle entre homme et femme s'était vu brutalement remis en cause par l'existence légitime d'une communauté Gay, comme le soulignait très justement Sally Gearhart, et c'est la confrontation des peurs de chaque communauté, puis le manque de dialogue qui poussera à l'incompréhension et à la violence. Mais ça, ça ne date pas d'hier... D'ailleurs avec le débat récent sur le mariage homosexuel en France et la manie pour tous, l'histoire a encore une fois un goût aigre de déjà vu...
amjj88
8
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le 26 avr. 2014

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amjj88

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