Shyamalan a cette facheuse manie de construire bon nombre de ses films autour d'une Révélation finale qui fait basculer tout le sens du film.
Que ce soit une esbrouffe totale comme dans The Village - que je n'avais vraiment pas aimé -, une semi réussite comme dans la correcte série Wayward Pines ou une vraie réussite qui met le frisson comme dans Incassable, son ego boursouflé n'a d'égal que sa prévisibilité narrative.
Pourtant, Shyamalan est aussi un poseur d'ambiance - en plus d'être un poseur tout court -, comme il le prouve dans le malaimé Phénomènes.
The Visit se trouve à la croisée des chemins, et réussit son coup sur les deux tableaux.
Visiblement, c'est un peu sur le mode du "ça passe ou ça casse", au vu des différentes critiques que j'ai pu lire, mais reste que le film est, sinon finaud, au moins réussi, avec quelques pointes d'audaces bien pensées.


Je chie sur Paranormal Activity, et la vague Found Footage m'indiffère complètement. Tomber sur un film qui réussit à ne pas prendre le public pour des buses tant dans les justifications de la présence du procédé que dans l'utilisation des poncifs du genre, je trouve que ça mérite d'être salué. Car honnêtement, depuis le sympathique Blair Witch Project, à part le très bon Noroi et le sympathique REC - et dans une certaine mesure le film- concept Unfriended -, la plupart des TRES NOMBREUX réalisateurs jouant sur cette corde se sont viandés, exploitant simplement le procédé pour ne pas avoir à finaliser les films, justifier la médiocrité de l'image et du jeu des acteurs, et tenter de faire oublier au public qu'ils ne savent ni filmer, ni cadrer, ni monter.


Or, Shyamalan, qu'on aime ou pas, sait faire tout ça. Et le fait de faire de la jeune une aspirante cinéaste trop douée et cultivée pour son jeune âge permet en plus d'amener en souplesse de belles séquences.


L'humour du film est lui aussi à sa place, et tape généralement juste. (LEGER SPOIL) par exemple, les acteurs frustrés croisés qui profitent de la présence de l'objectif pour revivre un instant, par procuration, les rêves d'une carrière brisée, font tant office de gag qu'écho aux expériences de Warhol et de ses "stars" prêtes à tout pour prolonger leur court moment sous le feu des projecteurs. (/SPOIL)
Le maniement des ruptures de fait généralement mouche, et malgré le fait qu'à l'évidence, le film soit tendu vers une Révélation Qui Change Tout, comme à l'habitude du réalisateur, la tension qui s'installe n'en est pas moins efficace, et contrairement à The Village, la dite-révélation ne fait pas tout retomber comme un soufflet.


Donc après deux étrons et une série en demi-teinte, Shyamalan a réussi à me convaincre, malgré ses tics et son imbitable prétention qui vient un peu parasiter le film, tant on le sent persuadé de faire bien mieux et bien plus audacieux qu'en réalité. Mais ses Delusion of Grandeur, comme on dit, ne parviennent malgré tout pas à gâcher un film qui divisera probablement, mais dont les qualités sont néanmoins bien là, entre une mise en scène intelligente, une écriture efficace - malgré le ridicule des scènes de rap entre autres -, des dialogues qui font plutôt mouche, bref, moi, j'aime bien.


Et l'une des raisons qui a achevé de me convaincre nécessite un MEGA SPOIL, donc si vous n'avez pas vu le film, arrêtez vous ici.


ATTENTION, C'EST DU VRAI SPOIL!!
la scène où la jeune est enfermé, dans la chambre de la grand-mère, est symptomatique de l'efficacité du film, de ses procédés, car il transpose les situations propres aux films de maison hantées post Ring - plus précisément The Grudge -, avec le monstre sous le lit qui tire les couvertures, le fantôme qui rampe sous les draps - avec un gros clin d'oeil quand la grand-mère est debout, faisant vraiment, pour le coup, fantôme d'halloween -, dans une situation réelle. Ce n'est pas un monstre ni un fantome, c'est une vieille femme avec un pète au casque. Pourtant, ça n'enlève rien au potentiel horrifique de la situation.
Idem pour la partie de cache cache sous la maison, qui joue sur les mêmes codes, et le fait de savoir que c'est simplement la grand mère ne change rien à l'efficacité de la scène, à l'angoisse ressentie, réussissant à flirter avec l'angoisse surnaturelle avec des éléments explicitement ancrés dans le réel.


Et ça, qu'on aime ou pas le réalisateur et sa démarche, je trouve que c'est fort.

toma_uberwenig
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le 27 déc. 2015

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toma Uberwenig

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