S’il est un genre que l’on a tendance à oublier, c’est bien celui de la comédie horrifique. Ce genre est à différencier des films comme Scary Movie (et leurs suites) qui sont, eux, des films parodiques. Parmi les comédies horrifiques, on compte les Evil Dead, Bienvenue à Zombieland ou encore Planète Terreur (qui est en plus un film grindhouse). Ce style de production prend les codes du film d’horreur et de la comédie, les mélange et aboutit à un résultat, parfois inégal, mais le plus souvent rafraichissant. Marjane Satrapi choisit donc de rompre totalement avec ce qu’elle avait pour habitude de nous présenter, en prenant le risque de rater le coche et ainsi obscurcir sa carrière.


The Voices, disons-le de suite, est réussi. La réalisatrice fait preuve de tout son talent pour son premier long-métrage au caractère hollywoodien. Elle s’entoure ainsi d’acteurs et d’actrices dont les noms sont connus dans l’industrie. On y trouve Anna Kendrick, Gemma Arterton ou encore Jacki Weaver pour les rôles féminins principaux. Et pour incarner le personnage principal, elle choisit Ryan Reynolds, qui vient ici compléter un casting déjà glamour. Jerry travaille dans une usine de baignoires, dans une petite ville typiquement américaine. Mais Jerry a un problème : Jerry est un tueur en série. Mais c’est son chat qui le force à tuer. Ainsi, la réalisatrice prend le parti de nous montrer le film à travers les yeux de Jerry. Cependant, contrairement à Maniac, le film n’est pas en vue subjective, on peut donc assister pleinement à la réalité fantasmée du personnage principal dans son ensemble. On a là un des points les plus forts du film : la mise en scène. On nous oppose deux visions de la vie à travers Jerry, les deux correspondantes à chaque personnalité du personnage. La réalité, laide et sale, d’un côté, et sa réalité embellie derrière laquelle il se cache de l’autre. La différence est nette entre ces deux « mondes » et on nous le montre avec des choix de mises en scène comme des couleurs très vives lorsque Jerry est dans sa vision de la réalité, et au contraire des couleurs très ternes et sombres pour montrer le résultat de ses meurtres. Néanmoins, Marjane Satrapi fait souvent le choix de nous plonger au maximum dans la vision déformée de la vie, et ce jusqu’au générique, sorte d’apothéose fantasmagorique sous forme de chanson, au détriment de la réalité vraie. Nous avons ainsi seulement quelques scènes où l’on prend pleinement conscience de la folie de Jerry. Pourtant, même lorsque nous sommes dans la vie magnifique que l’on nous présente, on sent l’horreur des actes du personnage. La réalisatrice arrive ici à équilibrer la balance entre l’horreur et le comique.


Pour ce film, le comique sert à désamorcer toute la terreur qu’apportent les choix de Jerry. Et ce comique de situation est présent grâce aux animaux du personnage de Ryan Reynolds. Le chien, le chat, l’ange, le démon. On aurait presque pu les voir sur les épaules de Jerry, le résultat n’aurait pas été moins satisfaisant. Mr Moustache et Bosco forment un duo assez drôle, la plupart des blagues étant destinées au premier. Même si la réaction du chien lorsque quelqu’un sonne à la porte est priceless. On notera ici que c’est Ryan Reynolds qui donne vie à chacun d’eux, ce qui permet une immersion dans l’esprit du personnage relativement bluffante. Le choix de Ryan Reynolds pouvait paraître assez surprenant, mais l’acteur nous livre ici une performance qui devrait faire taire les mauvaises langues. Le trio féminin est, quant à lui, très bon sans être exceptionnel, les personnages n’étant souvent pas assez approfondis. On aimera cependant de voir Ryan Reynolds parler à Gemma Arterton et Anna Kendrick dans toutes les circonstances possibles. Nous n’en diront pas plus ici afin de laisser planer une petite dose de mystère.


Pour en revenir au générique, celui-ci termine le film de la façon la plus surprenante qui soit avec un air chanté par l’ensemble du casting. Air qui reste en tête bien après la sortie de salle. S’il est surprenant par son arrivée un peu brutale, il n’en reste pas moins logique et dans la parfaite continuité de l’envie désamorçage de Marjane Satrapi.


The Voices arrive à innover et nous plonge dans un univers bien marqué. On ne s’ennui pas et on rit jaune. Aux éclats de rire s’ensuivent un gène d’avoir rit d’un meurtre ou d’une horreur perpétrée par le personnage. On en vient même à se demander ce que nous pourrions faire dans la situation du personnage tant la réalisatrice met en avant son côté humain et naïf. On notera également que le film n’en fait jamais trop et que la morale finale est amenée d’une manière presque légère comparé à d’autres scènes. « La voix de la conscience et de l’honneur est bien faible quand les boyaux crient » nous disait Diderot. A défaut d’entendre des boyaux crier ce sont des animaux et des têtes que l’on entend parler, il n’en demeure pas moins que les voix de Jerry font taire celle de notre propre conscience.

BastienMagadoux
7
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le 3 mai 2015

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BastienMagadoux

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