Le temps de la rencontre amoureuse est probablement l'un des plus beaux qu'il nous soit donné de vivre. Intense et naïf, il exacerbe nos sens et désinhibe nos aspirations enfantines. Confrontant ce moment coupé du monde à une réalité anxiogène, Ducastel et Martineau en captent l'essence et la restituent avec grâce.


Prenant à bras le corps la question de la sexualité au cinéma, replaçant la relation physique au cœur de la narration, comme le fit Alain Guiraudie avec L'inconnu du lac ou Andrew Haigh avec Week-end, les cinéastes font le choix audacieux de démarrer leur film sur une longue séquence de sex-club. Érotique et baignée de rouge, portée par une musique au beat surpuissant, elle met en exergue la rencontre des deux protagonistes dans la représentation non feinte mais sublimée de leur coup de foudre sexuel et amoureux.


C'est un film de peu de moyens. On le voit à l'image numérique brute captant les lumières cinégéniques du sex-club et du Paris nocturne. On le voit surtout à l'énergie déployée donnant et redonnant de l'élan à un récit qui s'accélère et nous emporte. Du Canal Saint-Martin à la Place Stalingrad en passant par l'hôpital Saint-Louis dans de longs et superbes travellings, c'est l'histoire d'un amour naissant, d'une course poursuite contre la peur et le doute, d'une formidable envie de vivre.


Assumant la naïveté ou le caractère artificiel de certains dialogues, ne craignant pas la niaiserie, osant regarder un sexe et déclarer qu'il est beau, rassemblant en une seule nuit, quelques heures à peine, les emportements et les ruptures d'un couple qui n'est pas, qui sera peut-être, qui partage déjà pourtant la séropositivité de l'un, les peurs de l'autre, l'expérience de la trithérapie d'urgence tout en donnant à voir deux jeunes hommes prêts à s'aimer, à se donner l'un à l'autre, à se promettre mille choses, Théo et Hugo dans le même bateau avance en équilibre et ne choit pas.


C'est aussi dans ses imperfections que le film nous accroche. Les deux comédiens ne sont pas toujours justes, les dialogues sont parfois à la peine, mais qu'importe. Le spectateur se trouve dans la même démarche d'attachement, tombant en amour pour deux hommes qui lui ressemblent, malhabiles et touchants, avides, brutaux, naïfs, enfantins.


Avec une foi absolue dans le cinéma, Ducastel et Martineau puisent aux sources du romantisme les ingrédients d'un film profondément contemporain qui n'élude pas la réalité du sida mais la replace dans un contexte de vie. Porté par la générosité de deux comédiens sans peur, Geoffrey Couet et François Nambot, Théo et Hugo dans le même bateau est un film enchanteur au final bouleversant.

pierreAfeu
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le 4 mars 2016

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pierreAfeu

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