En 2016, il n'est pas facile de regarder, et encore moins d'aimer "Théorème", un célèbre film de Pasolini qui paraît plus aujourd'hui un marqueur de sa turbulente époque qu'une véritable pierre blanche dans l'histoire du Cinéma (majuscule, forcément quand on parle "d'auteurs" comme Pasolini, même si dans son cas, c'est souvent pour la mauvaise raison du scandale qu'on parle de lui...). Non pas qu'on ne puisse prendre un peu de plaisir devant cet objet bâtard qui hésite entre le pamphlet politique et l'écriture libre de la poésie avant gardiste : il y a ici un bon nombre de scènes - baignées dans l'éblouissante lumière de l'été italien - qui font merveille, que cela soit par la grâce de cadrages saisissants ou bien par la liberté folle de mouvement, typique de ce cinéma qu'on qualifia de "moderne" et qui passa pourtant très vite (trop vite ?) à la trappe de l'Histoire... Mais la brève fascination que l'on peut ressentir devant la beauté de Terence Stamp, ou même devant le parcours halluciné de ceux qu'il a "libérés" et qui peuvent alors "s'accomplir" ou s'auto-détruire, laisse vite place à l'irritation devant la démonstration idéologique (le théorème...) et surtout l'étonnant amalgame pasolinien entre sexe et religion (qui fit grand bruit en 1968 au sein de la communauté catholique divisée !). On admet bien sûr le discours de Pasolini (disons trivialement : "je te baise, je te possède, je te remplis de l'essence divine"), mais je doute qu'on le trouve encore pertinent, ou même simplement intéressant, près d'un demi siècle plus tard. [Critique écrite en 2016]