Voilà un essai plus consistant que Story of the eye qui a le mérite d’avoir au moins un concept. En s’ouvrant sur des images de pornographie devant laquelle un acteur musculeux se masturbe, le film enchaine sur les sévices ininterrompus subis par une poupée dans un sous sol, jusqu’à ce que l’homme s’effondre, épuisé, repu au milieu du chaos de sa cave. Éclairages à la guirlande formant une voûte étoilée, capharnaüm indescriptible encombrant la pièce, l’homme foule au pied ce qu’il possède pour satisfaire ses pulsions, à savoir profiter au maximum de la poupée. Le concept est simple. Le film n’est rien d’autre qu’une extrapolation radicale du concept de pornographie. Au lieu de prendre une actrice, la condition de l’objet soumis au désir est réduite au stade de la chose, avec cette poupée inanimée, conciliante malgré elle. Les préliminaires, puis la consommation, et enfin la dégradation par le démembrement et les attaques répétitives et variées de l’homme, qui emploie tous les outils de son kit de bricolage pour refaire la gueule à cette poupée. Intellectuellement, on peut comprendre la démarche. Mais impossible d’adhérer au film sur sa forme. Pourtant réduit au format d’une heure huit minutes (franchement, vu le nombre d’accélérés, le réal aurait pu faire durer beaucoup plus longtemps), le film apparaît tout simplement interminable. Les premiers gros plans de l’introduction, tout sauf maîtrisés, cèdent à des plans séquences en camescope tournant dans un décor vide, où l’absence de partis pris artistiques un peu évolués ou même de style tentent d’être maquillés en « dépouillement ». C’est laid, dégueulasse, indigne d’un film amateur, et ces tares visuelles sont sensées être un style underground… Sans doute pour coller à l’esthétique dégueu des pornos tournés à la va vite. Mais quand on torche autant ses partis pris esthétique sur la longueur totale du film, le spectateur se sent vite irrité par la suffisance méprisable de ce laissé aller (à moins d'être partisan, auquel cas, ce n'est même pas la peine de regarder le film, comme on est déjà acquis à sa cause). Ce n’est pas en filmant le vide qu’on peut prétendre faire une ambiance. Ni justifier une aussi indécente prolongation d’une idée facilement résumée en 5 minutes. Je comprends la démarche de pousser les rapports de force dominant pervers/chose soumise, mais si aucun élément nouveau ne vient justifier la durée d’une heure, je pense qu’on peut dire qu’on se prend un peu trop le chou dans les cercles de lecture de Bataille. Surtout que ce film a la réputation d’être une de ses meilleures adaptations. En l’état, le réalisateur est déjà conscient de la logique de sa démarche, et sa mention de l’organisation du tournage comme d’un jeu malsain (son acteur qui se défoule, se branle et démembre une poupée) ajoute une certaine honnêteté aux ambitions de base. Il n’empêche que le résultat n’a rien de sympathique, et qu’il est désagréable dans le mauvais sens du terme. Seul l’intelligence de son auteur et ses partis pris visibles (facilement accessibles au spectateur) empêchent de le traiter avec autant de mépris que ses concurrents. Reste que ce bon vieux Georges Bataille doit bien se retourner dans sa tombe avec tous ces jeunots qui tentent d’intellectualiser leurs pulsions avec ses écrits.
Voracinéphile
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le 16 juin 2014

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