Dans ce film, Sean Penn ressemble à Robert Smith, sauf qu'il est plus filiforme, qu'il fait plus vieux et qu'il a plus de bagouzes aux doigts. Le fan des Cure qui est en moi me fait également remarquer qu'il ne se contente pas de lui ressembler physiquement : Cheyenne, son personnage, a le même genre de mimiques, le même humour potache et décalé, la même nonchalance. Certaines de ses répliques ne feraient pas tâche dans la bouche de Smith, notamment lorsqu'il fait part de ses regrets de ne pas avoir eu d'enfants ; à ce moment, j'ai immédiatement pensé à un morceau plutôt confidentiel du groupe ("A boy I never knew"), qui développe ce thème. Si j'osais, je dirais donc que le leader des Cure a largement inspiré Sorrentino (ça commence a faire trop de coïncidences) ; ceci dit, il ne s'agit en rien d'une biographie. Ici, l'histoire de notre antihéros est tout autre, puisqu'il s'agira pour lui de poursuivre la volonté d'un père qu'il n'a quasiment pas connu : mettre la main sur son bourreau d'Auschwitz.

L'absence du père est décidément devenu un sujet récurrent, que ce soit au cinéma ou en littérature, à l'heure où les magazines de psycho pointent régulièrement du doigt l'évolution, voire la confusion, d'une société où les frontières du féminin et du masculin n'ont jamais été aussi floues, où l'homme est de plus en plus démissionnaire et la femme de plus en plus volontaire. Dans le film, tous les personnages secondaires se débattent avec ce problème. Cheyenne, quant à lui, se maquille et s'abandonne à la passivité, tandis que sa femme est pompier, pratique des activités et reste d'un naturel assez déconcertant. Il y a clairement inversion des rôles dans leur couple, mais l'on comprend vite que le background familial de la rock star sur le déclin n'y est pas pour rien. Poursuivre la quête de son père décédé sera donc en réalité, pour lui, beaucoup moins une question de justice qu'un chemin vers la maturité (comprendre : oser agir, prendre des risques, accepter le fait de devoir grandir, se réaliser). La fin insiste d'ailleurs un peu trop lourdement là-dessus, mais c'est bien la seule faute de goût que j'ai relevé dans "This Must Be the Place". Le scénario peut paraitre complètement loufoque, casse-gueule, mais le contraste total entre la vie surréaliste que mène Cheyenne, sa personnalité, et la mission extrêmement ancrée dans la réalité de l'Histoire qu'il décidera de mener, apporte son lot de situations décalées et de drôleries. Le réalisateur a eu le bon goût de ne pas traiter le sujet de manière plombante, ni d'écraser son film sous sa gravité intrinsèque, ni de sombrer dans la caricature. Les dialogues sont intelligents, l'esthétique de certains plans bien agréable. Le rythme n'est pas trépidant mais l'on ne s'ennuie pas, et le jeu de Penn remarquable. Autant de raisons de vous laisser porter par ce road trip initiatique !

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le 28 août 2011

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Psychedeclic

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