Thomas und Marco
Thomas und Marco

Documentaire de Marian Dora (2022)

Ce nouveau film - et « vrai/faux documentaire » (la frontière est floue.) - de Marian Dora n’est là que pour augmenter le caractère provocateur et sulfureux du cinéaste allemand. Un concentré de toutes les thématiques et de tous les questionnements propre à l’auteur de « Melancholie der Engel », ainsi qu’une énième dose de soufre et de légende ajouté comme une allumette dans une mare d’essence concernant ses fameux tournages underground dans lesquels les débordements ne sont pas rares...


« Thomas und Marco » suit donc durant deux heures les conversations entre les deux acteurs Thomas Goersch (Voyage to Agatis, Carcinoma) et Marco Klammer (The desire of Maria D). C’est certainement son film le moins violent, mise à part quelques scènes gay (et crade à de rares moments) quelque peu gênantes entre les deux personnages, le film n’est constitué que de discussions et de promenades au grand air.


Formellement, le talent de Marian Dora est intact, la photographie et les cadres sont magnifiques, il demeure un des rares (peut-être même le seul) à posséder un réel talent quand on parle de la scène underground Allemande. Concernant le fond du propos, ça atteint un niveau de grossièreté et facilité assez décevant, voire même motivé par une éthique discutable à certains endroits.

L’aversion pour le christianisme est évidemment omniprésente, cette volonté de mettre des discussions autour des fétiches sexuelles en promenade dans un cimetière, entremêlés de jolies plans sur des statuts chrétiennes, voire dans des églises ; des scènes homosexuelles avec des croix religieuses à proximité… Tout ceci dénote d’un sens du blasphème très éculé, on est loin du propos d’un « Carcinoma » ou la croyance était dénoncée comme un frein à la science et à la médecine, loin également de certaines symboliques de « Melancholie der Engel ».


Sinon, les discussions sont essentiellement portées sur le cinéma, underground ou pas. Il y a une volonté évidente du cinéaste de réaffirmer des rumeurs qu’on sait fausse, comme la mort du chat dans « Melancholie der Engel », une volonté assez risible de persisté à s’auto-diabolisé (Marco Klammer, disant sans sourciller à propos de Marian Dora « Ce n’est pas un cinéaste, c’est un criminel. » ). Si ça demeure simplement un jeu quand il s’agit de lui, je trouve ça beaucoup plus douteux quand les propos concernent des personnes décédées, à l’instar de la regretter Shivabel Coeurnoir ( « Le désir de Maria D » ), Klammer affirmant que l’actrice aimait de son vivant faire du mal aux animaux et les torturer (???) … C’est simplement diffamant et ordurier, quand bien même le message derrière est une ode à la non-censure puritaine s’offusquant de la violence au cinéma, ou une chose du genre. Le respect pour la mémoire des morts, c’est une limite qui ne devrait pas être franchie.


La violence envers les animaux dans le cinéma est évoquée, une conversation s’engage sur « Cannibal Holocaust » et la fameuse tortue assassinée pour les besoins du film, la discussion éthique qui s’en dégage est peu digne d’intérêt à mon avis, les deux acteurs ayant visiblement l’idée que le film de Deodato s’oppose au massacre des animaux dans son discours, ce que je ne crois absolument pas (voir ma critique de Cannibal Holocaust). Le cas Herzog avec « Fitzcarraldo » est mis en question également. La mise en scène explicite un point de vue à ce sujet, une partie de cette discussion se passe dans un élevage de bovins, comme pour signifié une hypocrisie à ceux qui hurle contre un crime orchestré envers un animal dans un film, mais tolère l’exploitation des animaux la plus sauvage, brutale et industrialisée. Un message emprunt d’un welfarisme très présent dans le cinéma underground allemand (« Mondo Siam » de René Wiesner.)


Les deux acteurs semblent être des hommes usés par la vie : dépressifs, déviants, suicidaires, peu fréquentables. À savoir le degré de véracité de toutes leurs histoires, leurs déboires et leurs expériences contés, j’imagine qu’il est quelque part sur l’échelle d’un Mondo de Jacopetti (influence très importante chez Marian Dora) où la vérité et le mensonge se côtoie sans frontière.


Concernant les passages inédits de certains de ses films, n’attendez pas grand-chose, ça doit représenter une minute du film, éparpillé ici et là. Rien de transcendant.


Concernant le DVD édité au Mexique par New Film Order - que j’ai l’ai payé assez chère (et je suis dégoûté, car le prix a baissé de moitié peu de temps après…), on n'est pas dans l’édition de qualité, le minimum syndical, ni plus ni moins. Le pire étant les sous-titres français qui semble avoir été traduit automatiquement sur translate-subtitles.com, ce qui donne une traduction complètement foireuse (et honteuse). Les courts-métrages en bonus ne sont pas très intéressants.


En conclusion, je demeure septique sur la pertinence d’un tel « documentaire », Marian Dora radote et capitalise sur son aura de méchant cinéaste avec les femmes et les animaux (ce qu’on sait totalement faux). Une exploitation qui rend tout ça un peu risible, voire jusqu’à la nausée (les propos sur Shivabel Coeurnoir). J’espérais un peu plus de fond dans le propos.

BaronDuBis
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le 19 avr. 2024

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