C'est l'exemple même du film à enjeu car, qu'on aime ou non la saga Star Wars, elle porte aujourd'hui une telle valeur mythologique qu'on passe une partie de THX 1138 à l'affût des prémisses de la saga dont Georges Lucas accouchera plus tard, sans parler du fait que ce film est généralement encensé (pression supplémentaire), peut-être plus par comparaison au reste de l'oeuvre de Lucas.

Car le résultat reste mitigé, le film est bon c'est incontestable, il rentre sans hésitation dans la catégorie des films post-apocalyptique est paranoïaques de qualité tels que Brazil. Lucas donne à voir une civilisation enterrée, ayant abandonné la surface de la terre. La vie y est calibrée, réglée, codifiée et aseptisée, ce dernier aspect est appuyé par une image blafarde pendant presque toute la durée du film. L'aspect chirurgical de l'oeuvre en devient criant et presque dérangeant, les hommes vivent tous sous camisole chimique, privés de toute forme de stimulus physiques ou mentaux. Les contacts physiques appuyés sont prohibés, les "relations" sexuelles ne sont autorisées que virtuellement. Pour veiller à la bonne tenue morale et physique de cette fourmilière, des (an)droïdes au visage de métal inexpressif pullulent, passant leur temps à prétendre qu'ils agissent pour le bien de la communauté, mais n'hésitant pas à donner de la matraque. De tout cet univers, THX 1138 va tenter de s'échapper. Tout cela, Lucas le rend à merveille, prenant le temps de s'arrêter sur les visages, enchainant les plans fixes de manière quasi exclusive. C'est d'ailleurs frappant de voir à quel point ce film est sobre par rapport au déluge visuel et musical que sera la saga Star Wars. Tout est à l'inverse ici, le jeu d'acteurs est minimaliste et traduit à merveille des citoyens vides de sens, de projets et d'espérance. La caméra est d'une sagesse étonnante et même si quelques effets spéciaux (bluffants encore aujourd'hui) parsèment le film, le résultat fait penser à la dissection d'une civilisation abjecte.

Quelques défauts sont malheureusement à noter, la séquence d'enfermement de THX 1138 dans une sorte d'asile si blanc qu'on en distingue pas les contours est beaucoup trop longue, parfois incongrue et provoque un début d'ennui tant elle est incapable de dire où elle va. La poursuite finale, bien qu'absolument nécessaire manque cruellement d'un rythme dont on aurait bien voulu qu'il tranche avec le reste et casse la linéarité du film. Robert Duvall par contre est décidément un acteur étonnant est semble réellement sous camisole chimique, une des difficultés pour lui ayant sûrement été qu'il n'a quasiment pas de dialogues, à l'image des autres personnages du film.

À la fin du film, on se prend à rêver à un Georges Lucas qui aurait su rester un vrai créateur et qui n'aurait pas accordé tant d'importance au dieu dollar, on imagine ce qu'aurait pu être sa filmographie s'il avait su encore prendre des risques, dans la continuité de ce THX 1138.
Jambalaya
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le 20 janv. 2013

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