Titanic est un film-somme, de ceux qui comme Les Dix Commandements, Cléopâtre, ou Ben Hur en leur temps, inspirent le respect, que l'on soit fan ou pas du genre proposé. Projet pharaonique (oserai-je dire titanesque...) porté à bout de bras par un James Cameron en état de grâce (après Piranha 2, Terminator, Terminator 2, Aliens et Abyss... il aura vraiment touché à des genres hétéroclites), Titanic réussit l'alchimie quasi-parfaite entre le film catastrophe, le film historique et la comédie romantique... mélange qui était pourtant loin d'être gagné d'avance (Pearl Harbor s'est méchamment pris les pieds dans le tapis sur le même schéma). Mais une fois le générique de fin terminé, on comprend aisément pourquoi il a su conquérir un si large public tant il a justement su s'adresser à des spectateurs différents qui n'auraient sans doute pas fréquenté habituellement les mêmes séances au ciné. Bien sûr, on ne pourra qu'être un peu dubitatif (du moins si on n'est pas un fan inconditionnel de « rom com ») face à l'histoire d'amour totalement improbable entre les personnages fictifs de Jack et Rose (lui, le passager de 3ème classe sans le sou... elle, la passagère de 1ère classe éprise de liberté et d'émancipation, future épouse de Cal Hockley, magnat de l'acier) qui fleure bon les romans de gare de la collection Harlequin... et qui tombe souvent dans la guimauve dégoulinante. Et pourtant, Titanic réussit un quasi-sans faute par rapport à ses prédécesseurs (et même ses successeurs récents) au cinéma ou à la télévision.


S'il en est ainsi, c'est tout d'abord parce qu'il en va des films basés sur un récit historique (et Cameron est bien du genre à être un maniaque du détail) comme des biopics : ils sont soumis à des contraintes factuelles dont il est difficile de se désolidariser. Ainsi, à trop vouloir coller au fil de l'histoire et à la réalité brute des faits, vous perdez totalement le rythme que doit être celui d'un film pour maintenir en haleine un spectateur pendant 2 à 3 heures (le Nixon d'Oliver Stone en est un bon exemple). Inversement, à trop vouloir dynamiser votre film par une intrigue... vous risquez de dénaturer un peu la réalité historique. Bref, ce genre de films est casse-gueule au possible et bourré de contraintes qui sont autant d'obstacles soit à un bon divertissement... soit à une retranscription crédible et fidèle de l'histoire. On ne peut donc pas juger un film à caractère historique comme on le ferait avec un film au scénario original puisque les scénaristes et le réalisateur ont ici un cahier des charges extrêmement serré à respecter. Et à ce petit jeu, qu'on aime ou qu'on n'aime pas l'orientation prise par Cameron, un constat s'impose vite comme une évidence : « son » Titanic est bien la version cinématographique ou télévisuelle la plus réussie à ce jour, que cela soit en termes de réalisation et de reconstitution... ou en terme de schéma narratif et de tension dramatique. Certes, je n'ai pas eu l'occasion de les voir toutes (il me manque notamment Atlantique Latitude 41°)... mais j'en ai vu suffisamment pour avoir un avis quasi-définitif : que l'on parle en effet du très bon Titanic de 1943 (la version allemande... qui si elle est très lourdement marquée par la propagande allemande du temps de guerre... n'en reste pas moins une version très réussie ; Cameron s'en étant d'ailleurs lourdement inspiré... notamment pour la scène de la danse dans l'entrepont) ou de celle du téléfilm de 1996 avec Catherine Zeta-Jones ou encore de la mini-série de 2012 des scénaristes de Downtown Abbey, le résultat est sans appel. Avec les mêmes contraintes de départ, c'est bien Cameron qui livre l'œuvre la plus aboutie, la plus cinématographique (pour son schéma scénaristique), mais aussi la plus fidèle à la réalité historique (Cameron ayant eu le souci du détail dans la reconstitution du naufrage et dans les anecdotes dont est parsemé le film)... même s'il a dû inventer quelques personnages fictifs pour les besoins de son scénario.

Bien sûr, si le Titanic de Cameron est si remarquable pour le spectateur lambda, c'est évidemment pour la débauche de budget et d'effets spéciaux mis au service de l'ultra-spectaculaire reconstitution de l'inexorable naufrage du Titanic (la dernière heure du film en gros...). Cameron a mis le paquet, et ça se voit. Couloirs et salle de restaurant inondés, navire qui joue les montagnes russes dans ses derniers soubresauts... Cameron n'y a pas été à l'économie : que cela soit dans la reconstitution en studio, dans la maquette quasi-grandeur nature du Titanic ou dans les scènes réalisées par ordinateur... c'est du très grand spectacle !... au point qu'on se demande parfois si, au-delà de la simple reconstitution méticuleuse (sur la base des témoignages et anecdotes), Cameron ne s'est pas laissé aller à de l'excès de zèle pour en mettre plein la vue.

Mais là où Titanic réussit un véritable tour de force c'est bien dans la gestion de la première partie du film qui avait souvent plombé les autres adaptations. Si en effet, il est dans les capacités du premier tâcheron venu d'exploiter à peu près convenablement au cinéma la collision et le long naufrage qui s'ensuit... c'est une autre paire de manches pour la première partie... où la vie sur le paquebot est censée être un long fleuve tranquille sans grand intérêt pour le spectateur. Car si le naufrage est évidemment le climax de toute adaptation, il faut néanmoins amener le spectateur « à bon port » et ne pas se contenter de le larguer en pleine mer au moment le plus intéressant et donc le plus cinématographique. Et c'est ici qu'intervient le brio de Cameron qui réussit à créer une double intrigue avec une mise en abyme intéressante à même de contenter le plus grand nombre (tant les amateurs de comédie romantique que de films d'exploration). L'idée de l'intrigue autour de l'histoire impossible entre Jack et Rose est déjà bien exploitée : certes, tout ça franchit parfois la ligne jaune de la niaiserie, certes, les bad guys sont parfois caricaturaux (le fiancé de Rose joué par Billy Zane et son majordome joué par David Warner...) mais il n'empêche que tout ça donne beaucoup de rythme à la première partie et maintient tout de même le spectateur largement en éveil pendant les 2 premières heures qui le conduisent tout droit au moment pour lequel il a payé sa place : à savoir la collision avec l'iceberg et le naufrage. On avait déjà vu des bluettes mises en scène de la sorte pour meubler (dans le Titanic version 1943 notamment, la série de 2012 également...) mais le tout est ici largement mieux rythmé. Mais là où Cameron étonne, c'est bien par sa mise en abyme qui sert de prologue qui vient tout à la fois donner un parfum d'aventure et de mystère au récit proposé... mais également l'ancrer irrémédiablement dans le réel en rappelant au spectateur la réalité historique des faits (dramatisant ainsi d'autant ce qui va suivre). Si cette mise en abyme est finalement peu intrusive (au début et à la fin du film principalement... avec quelques interludes en cours de film), introduire le film en suivant cette mission de recherche (fictive) sur l'épave du Titanic à 3 800 mètres de profondeur permet ainsi tout à la fois de présenter une approche chirurgicale du naufrage (avant de la comparer avec le récit in vivo de Rose qui se remémore son voyage et sa rencontre avec Jack), de camper le personnage de Rose... mais aussi de poser les bases de l'intrigue autour du Cœur de l'Océan (le bijou qui fait l'objet de toutes les convoitises de cette mission de recherche). Il fallait y penser... mais ça change vraiment tout par rapport aux autres versions.


Au final, Titanic est donc une réussite quasi-totale : une reconstitution historique méticuleuse, un rythme maîtrisé pendant plus de 3 heures grâce à une double intrigue fictive habilement intégrée dans la réalité historique et un naufrage filmé comme jamais auparavant dont le côté ultra-spectaculaire n'est là que pour servir la tension dramatique de la dernière heure. Alors oui, on aurait pu s'éviter quelques excès de mièvrerie (mais il fallait bien ratisser large son public pour rentabiliser cette super-production au budget abyssal). De même, Billy Zane (qui joue le rôle de Cal Hockley) et David Warner (son majordome) surjouent franchement un peu trop dans leur rôle de bad guys (on est à la limite de la caricature de dessin animé). Mais c'est franchement peu de choses face à cette monumentale réussite. Il n'est vraiment pas sûr qu'il nous soit donné de voir de sitôt une nouvelle adaptation cinématographique aussi réussie et maîtrisée du naufrage du Titanic que celle proposée par James Cameron et qui fit passer Leonardo DiCaprio et Kate Winslet à la postérité (comme Autant en emporte le Vent le fit en son temps avec Clark Gable et Vivien Leigh). Incontournable!
marchiavel
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le 15 avr. 2012

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marchiavel

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