Ridley Scott tourne énormément. A une cadence infernale même depuis quelques années, une cadence digne d’un Woody Allen sauf que ses films demandent bien plus de travail par leur ampleur (lieux de tournage, budget, effets spéciaux, …) que celui du new-yorkais à lunettes. Il devrait peut-être songer à ralentir le pas car le trop peut devenir l’ennemi du bien comme en témoigne la déception « Alien : Covenant » cette année. Voilà déjà son nouveau film « Tout l’argent du monde » sur les écrans avec des scènes retournées avec Christopher Plummer en lieu et place de Kevin Spacey suite à la polémique de harcèlement visant ce dernier. Des séquences retournées à une vitesse incroyable sans que cela ne se ressente à aucun moment. A ce niveau c’est impressionnant et cela prouve que le septuagénaire tourne à un rythme stakhanoviste et qu’il en a encore sous le capot. Et encore une fois, ce qu’il filme, il le fait bien. Rien à dire sur l’aspect visuel qui s’avère toujours aussi travaillé avec cette belle patine d’époque. Mais cette fois mais c’est l’absence de réel point de vue et d’aspérités dans ce qui est narré qui gêne.
En effet, le problème du film vient plutôt du traitement et de l’angle choisi par les scénaristes et le réalisateur. Car cette histoire assez incroyable, inspirée de faits réels, avait tout pour avoir les honneurs du grand écran et les suffrages des spectateurs. Le kidnapping du petit-fils de John Getty, l’homme le plus riche du monde dans les années 70, et la rançon qu’il avait refusé de payer avait défrayé la chonique. La première demi-heure, Scott choisit une narration éclatée dans le temps pour nous introduire les tenants et les aboutissants de cette affaire et cerner la psychologie des personnages. C’est un peu raté car ce montage apparait accessoire et on n’a jamais l’impression de mieux comprendre ensuite le fonctionnement moral des protagonistes de cette affaire. Ensuite, il choisit de jouer sur deux tableaux : celui du kidnapping et des négociations qui vont avec et celui du portrait d’un homme mystérieux et de son rapport particulier à l’argent et au monde. Pas de chance, c’est le second angle qui passionne mais c’est le premier qui prend le pas sur la durée du long-métrage.
On a donc droit sur les deux heures que dure le film aux atermoiements de la mère, d’un négociateur et des ravisseurs durant les deux tiers. Pas que cette partie soit totalement dénuée d’intérêt mais tout cela est d’une trivialité sans bornes que ne viennent jamais chahuter de maigres rebondissements. Tout cela respire le déjà-vu comme jamais et n’interpelle jamais vraiment. On regarde donc cela patiemment, sans véritable ennui, mais sans véritable intérêt non plus. En revanche, les scènes mettant en scène Christopher Plummer, impérial, et sa façon de négocier et son rapport à l’argent sont beaucoup plus intéressantes et on aurait aimé qu’elles soient plus nombreuses et davantage creusées. A se demander si finalement, ce n’est pas le portrait de cet homme fascinant qui aurait pu être le vrai sujet du film. Car « Tout l’argent du monde » manque d’un vrai avis sur les actes et les idées de cet homme et la partie thriller ne parvient pas à masquer ou même compenser cette déception. Et, de fait, on trouve tout cela un peu long et vain!