Histoire (américaine) de l'armement nucléaire et des essais associés

Le narratif que développe "Trinity and Beyond" (sous-titré The Atomic Bomb Movie), dissimulé derrière ses apparences de documentaire retraçant l'histoire de l'armement atomique — états-unien, c'est important de le préciser — entre 1945 et 1963, enterre définitivement le projet. Je ne saque pas plus durement ce film en raison des informations factuelles que l'on peut en extraire, c'est-à-dire tout particulièrement les nombreuses images restaurées des nombreux essais réalisés par les États-Unis, que ce soit sur terre, sous l'eau, tirés par des engins de l'artillerie ou dans les airs à l'aide de ballons. Il y a derrière tout ça un côté "explosion porn" qui peut éventuellement faire son petit effet, à condition de réussir à passer outre la musique composée pour l'occasion qui est d'une grandiloquence écœurante, le genre de musique classique lyrique bien putassière pour appuyer le fait que ce qu'on voit est hallucinant. J'ai ri en constatant après coup que la musique a été interprétée par l'orchestre symphonique de Moscou, comme s'il s'agissait d'un signe d'apaisement en cette période de fin de Guerre froide, de ce point de vue très américano-centré. Vraiment, cette musique sur des images d'explosions de Hiroshima et Nagasaki, c'est criminel.

Mais honnêtement, comment ne pas ressentir le malaise d'un tel docu qui présente la force de frappe de l'empire militaire US avec une fascination évidente, mêlant la fascination compréhensible de la technique physique ou du potentiel destructeur et la fascination un peu moins glorieuse pour la supériorité supposée de la nation ayant réalisé ces prouesses technologiques. Et ce d'autant plus que même s'il évoque des essais nucléaires russes, il le fait de manière anecdotique, il se termine sur une morale incroyablement accusatrice envers la Chine, en disant "regardez, nous on a signé un pacte pour arrêter nos tests nucléaires parce que oh la la on savait pas mais c'est pas bien, tandis que ces Chinois, ces vauriens, ils font leurs propres essais !". C'est exactement le même discours sur les contraintes de développement qu'on cherche à imposer dans les pays pauvres qui ne bénéficient pas du même niveau d'industrialisation et chez qui les pays occidentaux exportent et délocalisent toutes leurs emmerdes. C'est à vomir.

"Atomic Café" sortait 13 ans plus tôt et faisait un boulot bien plu convaincant, qui plus est avec un humour un peu surréaliste.