Dans le domaine du cinéma d’exploitation, on peut considérer que le Japon ne fût pas avare de genres véhiculant des codes bien spécifiques. Que ce soit les films de yakuzas et ses diverses variations, le film de nonnes, de monstres, de samouraïs ou érotiques, aucun autre cinéma au monde n’a accommodé autant ses thématiques en les ancrant dans le réel. Avec Truck Rascals : No One Can’t Stop Me, le prolifique réalisateur et scénariste, Norifumi Suzuki, qui compte une cinquantaine de scripts à son actif, et a mis en scène quelques classiques dans plusieurs genres : chambara, nunsploitation, films de gangs de filles motorisées, pinku eiga, films de karaté avec Sonny Chiba.


Cette fois, il confectionne un étrange mixe entre comédie à la limite de la vulgarité et film de camionneurs en mode road-movie mêlant sentimentalisme et action. Pour se faire il emprunte la voie triviale et décomplexée du pur cinéma d’exploit’. Ça ne fait pas dans la dentelle, on frise souvent le trop-plein, mais le réalisateur parvient toujours à s’extirper du bourbier dans lequel il semblait s’enfoncer, par des effets de style élégants et une mise en scène habile qui parvient malgré les embuches, à faire ressortir une vraie émotion.


Ça sent l’exploitation à plein nez, on sait d’emblée dans quoi le réalisateur nous embarque, on pourrait aisément remplacer cette équipe de routiers qui ne font pas dans la dentelle, par une bande de yakuzas ou un duo de rônins parcourant les routes nippones en quête de quelque chose. Cette fois-ci, c’est l’amour qui est au centre de cette recherche.


Momojirô, interprété par l’une des figures incontournables du yakuza-eiga, Bunta Sugawara, dans la peau d’un quidam magouilleur et bagarreur au grand cœur, et il faut avouer que ses cabotinages assumés ne dépareillent pas de ceux de ses rôles de gangsters tatoués, doublé d’un compagnon interprété par Junko Natsu, qui ne lésine pas sur les moyens pour faire dans la cocasserie.


Ne nous voilons pas la face, il s’agit d’un pur film de genre à l’humour pas toujours fin, et les excès de toutes sortes, même les plus grossiers, sont de mise de manière absolument décomplexée, néanmoins, Suzuki parvient, grâce à une mise en scène habile et l’apport d’ellipses élégantes à extirper de ce bourbier, quelques moments de franches émotions et un humour au demeurant assez corrosifs, faisant parfois penser à la satire sociale à l’italienne.


Ce film connût un énorme succès populaire lors de sa sortie, et déclencha 9 suites en 5 ans de la part de Suzuki.

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le 2 mai 2022

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