On n'espérait plus le retour de Mel Gibson derrière la caméra après le tournant désastreux de sa carrière. Il revient de loin, gardant sa barbe de senior apaisé qui conserve sa prestance passée malgré les tumultes et la modestie de ses dernières contributions (expendables 3, machete kills...). Il revient avec une histoire vraie, un film de guerre humain et dur... Hmmm, faut voir. We were soldier contenait des trucs intéressants, mais il restait un peu propagandiste sur le camp du Bien dans le fond (en y mêlant un peu trop la religion catholique). Verdict ? C'est pas mal.
L'énorme point positif du film est la sympathie globale des personnages. Le film refuse le manichéisme, et nuance constamment ses portraits. Tout comme la détermination de son protagoniste qui grandira au cours du parcours, une grande partie des personnages secondaires se verront développés, autant dans leur parcours personnel que dans leur attitude. Il convient de souligner l'importance de la première partie dans l'établissement du serment de non violence que Desmond adopte ainsi que dans son approbation devant la cour martiale. Le chemin est long jusque là et le film se débrouille très bien pour vendre cette partie qui n'était clairement pas celle qu'on attendait en entrant en salle. Le parcours du père de Desmond est prégnant, et les différents commandants y sont finalement bien dépeints, avec l'intégrité qu'ils méritaient. Le combat est finalement davantage dirigé contre une rigidité intraitable du système d'affectation que contre l'armée et sa mission. En cela, le film ne rajoute pas de mauvaise foi, mais multiplie les tentatives de passage en force de commandants, conséquence direct d'une autorité qui se sent légitimement bafouée.
Le film est souvent décrit comme "naïf". Dans la mesure où il s'agit d'un récit véridique (assez lourdement souligné au cours du pré-générique), on en conclura donc que l'Histoire est naïve. Toujours la position des personnages est légitime, seule l'intervention du père au cours du procès peut être perçue comme un passage en force, qui n'augure pas du meilleur dans la capacité de l'armée à apprendre de ses erreurs. Mais venons en aux défauts du film, essentiellement contenus dans la seconde partie. La violence des combats est percutante. Gore en effet, bien que le film ne s'attarde pas trop longuement sur les blessures, on peut en sortir marqué. Mais hélas, le film devient vite redondant. A partir du moment où Desmond commence à évacuer les blessés à lui tout seul, on tombe dans l'enchainement de séquences, dont le suspense ne se renouvèle que très modérément. Illustrer le sauvetage de 75 personnes par un seul homme relevait de l'impossible, mais si le film n'en fait pas trop, il n'évite pas les lourdeurs. La répétition du "encore un autre Seigneur.", les japs qui continuent à laisser des survivants à sauver alors qu'on les voyait planter les corps à la baïonnette... Les japonais qui sont d'ailleurs particulièrement féroces, au point d'être qualifiés de déshumanisés. Surement un petit peu de vrai là dedans, je me contenterai de dire que le Bushido, c'est pas pour les tafioles. Ponctuellement quelques lourdeurs (l'énorme faute de goût de l'introduction au ralenti, le plan final très numérique, la lourdeur des interviews, le Rambo de service), mais globalement bien géré, Tu ne tueras point reste un travail solide, fruit d'un labeur honnête par des amoureux du cinéma à l'ancienne. C'est toutefois moins frappant que les précédents films de Mel, et surtout clairement moins saturé de symboles. La passion du Christ et Apocalypto étaient chargés d'objets clés, de détails mystiques, de symboles forts. Ici, on devra se contenter d'une montagne qui saigne ou des mains déchirées par la prise de la corde (avec le noeud de soutien gorge). C'est clairement plus dilué, aussi peut on craindre que Mel, tel son rival Scott, soit finalement rattrapé par l'âge et entame sa fin de carrière, toujours dans les honneurs, mais en commençant la retraite...