Après Dangereusement vôtre filmé au rythme d'un fauteuil roulant, ce 15ème James Bond se devait de faire peau neuve, Roger Moore devenant vraiment incrédible dans le rôle de 007. Sur le papier, ça le faisait, Tim Dalton étant sans aucun doute l'acteur le plus expérimenté de la franchise, habitué du répertoire shakespearien, bref ça devait obligatoirement coller, et pourtant cette décision a semé la zizanie chez les fans dont je suis, moi le premier, je n'y ai donc jamais cru. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Tim a une prestance indéniable, une certaine distinction, mais il lui manque le cynisme, l'humour qui n'apparait qu'en filigrane, le charisme du personnage, le charme naturel, il est froid, trop sec, pratiquement impersonnel et plus fonceur, il dévoile la face la plus sombre de 007, délaissant la dimension humoristique introduite par Roger Moore (qui lui en faisait trop dans ce domaine), au profit d'une vraie tension dramatique, bref on a l'impression qu'il ne prend pas le rôle au sérieux, même pour déclamer la fameuse phrase "Je m'appelle Bond, James Bond", il la balance à toute vitesse, sans conviction et comme obligé. Je trouve que Dalton est un bon acteur dans ses autres films, mais il ne me convient pas en 007, c'est donc un aspect négatif important.
Pour moi, Tuer n'est pas jouer ne fait pas partie des films majeurs de la franchise Bond, en dépit du fait qu'il marque un tournant décisif dans cette franchise, car après le retrait de Roger Moore, il fallait remonter la pente et même s'il y a eu quelques ajustements, ça n'a pas été conséquent et ça n'a pas mené loin. En définitive, c'est un virage peu réussi, avec un traitement qui ne sera d'ailleurs pas du goût de tous les fans, annonçant une longue traversée du désert après Permis de tuer, second Bond de Dalton, qui durera quand même 6 ans. Visiblement, les exploits de 007 ne passionnaient plus les foules. Deux films, ce n'est pas assez pour modifier un tel personnage, et avec celui-ci, ça n'aura pas mené à grand chose, ça reste un Bond assez distrayant, mais sans grand relief, c'est le plus effacé, le plus plat de la saga, le rythme ne décolle pas assez, en dépit de quelques bonnes scènes d'action (la scène pré-générique à Gibraltar, les scènes avec la nouvelle Aston Martin V8 dans la neige, la bagarre entre Bond et Necros dans l'avion...).
Le pire vient d'un scénario brouillon, trop complexe et qui part dans plusieurs directions, malgré le fait qu'il soit plus inscrit dans la réalité de son époque au niveau géopolitique (le conflit soviétique en Afghanistan). Les personnages ne sont pas intéressants : la Bond girl est assez fade et sans grande personnalité, une jolie potiche décorative à laquelle Maryam D'Abo n'a pas su donner le côté à la fois fort et glamour. Quant aux méchants, ils ne sont pas mémorables, et on s'y perd, car entre le général Koskov (Jeroen Krabbe), le général Pushkin (John Rhys-Davies) et Brad Whitaker (Joe Don Baker), il n'y a pas de méchant clairement identifié, c'est très nébuleux, seul l'homme de main Necros est un vrai personnage bondien.
Voila donc un résultat très moyen pour l'un des Bond les moins réussis de la saga, il se place 21ème dans mon Top Bondien ; je retiens toutefois un point positif avec la bonne BO de John Barry et la chanson du groupe A-Ha. J'ai lu une interview de Timothy Dalton sur un site internet, où il parlait de ses 2 films avec le recul : en fait, personne ne voulait que ça change, tout le monde était content de la façon dont fonctionnait la franchise, que "ça devenait un peu plat, un peu trop çi, pas assez cela"... ça résume tout ce que je viens de dire, et il faudra attendre 1995 pour que ça devienne beaucoup plus crédible sous l'ère Brosnan, jusqu'à la période Craig où là, les gens ont eu envie que ça change.

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le 16 nov. 2017

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