Un bel objet de fascination
Déconcertant, "Twixt" l’est assurément. A l’image du beffroi aux sept cadrans d’horloges – dont aucun n’indique la même heure – perturbant le romancier qui vient d’arriver dans le patelin qui servira de décor au film, Francis Ford Coppola se plaît à bousculer les repères du spectateur. Ce qui relève du rêve ou de la trame du livre que Hall Baltimore est en train décrire se superpose et s’amalgame à la trivialité du quotidien, allant jusqu’à l’engloutir pour mieux le faire ressurgir abruptement dans les ultimes secondes. Alternant séquences oniriques et passages réalistes (eux même teintés d’une étrangeté menaçante), mélangeant les archétypes (le sheriff redneck, l’écrivain accro à la bouteille, le vampire errant la nuit…), et faisant se chevaucher les genres (thriller, épouvante, gore, comédie…), il compose un grand film sur l’inspiration et le processus d’écriture tout en traitant de la douleur du deuil.
Il en résulte une œuvre d’une beauté formelle renversante – magnifiques séquences en noir et blanc ponctuées de tâches et aplats colorés – qui demande à ce qu’on se laisse emporter par ce tourbillon de folie légère. Car "Twixt" agite sans cesse ses paradoxes : son charme vénéneux se déploie de manière ludique, son ambiance mortifère aux accents gothiques laisse émerger une forme d’apaisement, de douceur et la gravité cohabite harmonieusement avec l’absurde rigolard. Il n’en faut pas davantage pour faire de ce film à tiroirs un objet de fascination.