Un baiser s'il vous plaît par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Emilie arrive à Nantes pour un déplacement professionnel et peine à retrouver son chemin. Au hasard elle demande celui-ci à Gabriel qui décide de la conduire dans sa camionnette à son lieu de rendez-vous. Néanmoins Emilie et Gabriel ne restent pas indifférents l'un envers l'autre et décident donc d'aller dîner dans un restaurant. La fin du repas approchant le couple doit se quitter mais Gabriel demande à sa compagne d'un soir un baiser. Celle-ci hésite puis refuse. Gabriel surpris en demande la raison. C'est alors qu'Emilie va lui dévoiler le pourquoi lui avouant qu'elle est mariée tout en lui exposant les dangers d'un baiser au travers d'une aventure peu banale qui est arrivée à Judith, une jeune femme formant un très joli couple avec son époux Claudio, amie de longue date avec Nicolas, un jeune professeur de math dont la vie bascula à la suite d'un baiser...


Un baiser, rien qu'un baiser échangé par amitié avec peut-être un petit brin d'amour caché dans un coin de son cœur, peut-il déclencher une passion? Pourquoi pas ? Emilie égarée dans Nantes tombe sur un homme charmant, plein de bonnes intentions et serviable. La conversation s'engage et tout deux se sentent bien ensemble, un aimant semble les attirer, le désir petit à petit les envahit. Mais ce petit baiser tant attendu se mérite car il peut provoquer un instant douloureux lorsque l'on est certain que le moment passé à se désirer ne peut être que fugitif. Or ce fugitif peut se révéler déchirant au moment de l'adieu si le contact devient fusionnel. C'est cette crainte qui envahit la jeune femme malgré son désir. Elle provient de cette expérience vécue par Judith dont un baiser avait été offert en "simple service" à Nicolas, son ami de toujours, ce baiser déclenchant une passion "contenue" peut-être depuis bien longtemps. Elle va pousser la jeune femme, heureuse dans son couple, à monter un stratagème désespéré pour écarter Claudio, son mari, afin de faire sa vie avec Nicolas. Le désir est alors à son apogée à tel point que les deux amants vont demander à Câline, une amie, de participer à ce piège. Un baiser, rien qu'un baiser, peut ainsi faire basculer une vie pour quelque temps voire pour l'éternité.Voilà pourquoi Emilie attend ce baiser tout en le redoutant.


Cette œuvre d'Emmanuel Mouret est absolument touchante et passionnante par l'analyse du comportement des personnages et leurs états d'âme. Je ne pense pas vraiment qu'en voyant ce film nous assistons à un vaudeville car les situations sont pleines de vérité. La tendresse domine et cette tendresse, partie d'un moment semblant anodin, va provoquer des moments aussi charnels que tragiques. L'émotion l'emporte sur le sourire car là les rapports entre les êtres ne déclenchent pas un sentiment de farce mais un sentiment de danger, de risque tel que peut l'être un amour impossible. Ici le baiser devient un jeu de casino, il y a des gagnants, il y a des perdants, il y a des regrets. Certains pourront en effet regretter amèrement cet instant fugitif. Pour d'autres cet élan sera le point de départ d'un moment merveilleux mais dans tous les cas il restera gravé pour le pire ou pour le meilleur.


Les dialogues sont absolument merveilleux et plein de réalisme. Emmanuel Mouret qui interprète de brillante manière le rôle de Nicolas en mal d'amour et de plaisir est aussi touchant que Virginie Ledoyen absolument impériale dans le personnage d'une Judith dévorée par la passion au point d'essayer d'attirer son mari Claudio, l'excellent et très émouvant Stephano Accorci, dans un guet-apens aussi énorme que désespéré. Bien entendu il est difficile d'échapper au charme et au talent du couple improbable et peut-être éphémère formé par Julie Gayet qui nous joue avec grand talent le rôle d'Emilie, tout en sensibilité et en sobriété, et par Michaël Cohen aussi sincère que sympathique dans son costume de Gabriel apparu comme un "ange" au détour d'une rue. Je voudrais citer également Frédérique Bel, Câline, "téléguidée" par le couple d'amoureux en vue de "détourner" Claudio du domicile conjugal.


Voici donc un film que je vous recommande particulièrement, une œuvre que je ne considère pas comme une simple comédie tant le réalisme et la sensibilité qui s'en dégagent peuvent émouvoir. Emmanuel Mouret m'a fait plaisir, il m'a vraiment confirmé que le cinéma français possède vraiment de très bons réalisateurs et de grands comédiens.


"Est-on maître d’aimer ? Pourquoi deux êtres s’aiment, Demande à l’eau qui court, demande à l’air qui fuit, Au moucheron qui vole à la flamme la nuit, Au rayon d’or qui vient baiser la grappe mûre ! Demande à ce qui chante, appelle, attend, murmure ! Demande aux nids profonds qu’avril met en émoi ! Le cœur éperdu crie : Est-ce que je sais, moi ?."


Victor Hugo

Grard-Rocher
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le 6 sept. 2015

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