Le sujet d'Un beau dimanche, si l'on s'en tient à sa conclusion, serait la rencontre de deux personnages qui, le temps un week-end, quittent le poste ou la fonction qu'ils occupent pour vivre un peu. Mais au lieu de donner à voir cette rencontre, d'en faire l'événement du film, Nicole Garcia et Jacques Fieschi, son coscénariste, ont d'abord créé des types sociaux, visiblement dessinés après relecture de l'intégrale de Pierre Bourdieu. D'où l'impression d'un film très scolaire, où se lit constamment la volonté de montrer ce qui distingue les personnages, qu'il s'agisse de tatouages, de Porsche ou de polos Lacoste. Comme dans "La Vie d'Adèle", "Un beau dimanche" n'existe que par ce qui oppose ses chapitres, très nettement visibles: d'un côté la rencontre entre la serveuse (Louise Bourgoin) et l'instit (Pierre Rochefort), de l'autre les retrouvailles avec la famille bourgeoise de l'instit, qui disqualifient tout ce que le film a construit précédemment. Exclue du cercle bourgeois, où l'on parle d'écoles préparatoires, d'aviron et de questions d'héritage, Sandra la serveuse, va dans la cuisine, où elle replie des nappes. Chacun doit être à sa place.
Une tel mode de représentation ne serait pas écoeurant si la réalisatrice assumait son point de vue bourgeois mais le film adopte plutôt la "stratégie d'humilité" décrite par Emmanuel Carrère dans "D'autres vies que la mienne", laquelle consiste, comme l'écrit Carrère, à "favoriser le petit" pour flatter sa vanité d'auteur, jouer à être celui qui pose un regard juste sur les gens modestes.
Croyant être juste, Nicole Garcia filme donc une nuit d'amour dans un Formule 1, demande à son actrice principale de porter des vêtements immondes et de les salir ensuite en mangeant des écrevisses : on a vu à peu près la même chose dans "La Vie d'Adèle", mais le film de Kechiche arrivait tout de même à organiser la rencontre d'Adèle et d'Emma, tandis qu'à la fin de ce "beau dimanche", on peut se demander ce qui a été partagé par les personnages et le spectateur. Entre une soirée bowling aux alentours de Palavas (où tout dégénère à cause d'un mauvais mélange d'alcool et de médicaments) et un repas plombant chez les bourgeois (conçu évidemment comme un moment de catharsis), ce dimanche était bel et bien pourri.
chester_d
1
Écrit par

Créée

le 9 févr. 2014

Critique lue 777 fois

5 j'aime

chester_d

Écrit par

Critique lue 777 fois

5

D'autres avis sur Un beau dimanche

Un beau dimanche
pilyen
4

Heureusement qu'il fait beau ...

Le film débute par une scène choc très éloignée du côté estival de l'affiche. Au petit matin, au milieu de chiens énervés, des corps ensommeillés à même le sol sous des couvertures miteuses, sont...

le 6 févr. 2014

7 j'aime

Un beau dimanche
PatrickBraganti
3

Pauvre petit garçon riche

La vision presque affligeante de la lutte des classes par la réalisatrice Nicole Garcia qui continue de décevoir après le faussement romanesque Un balcon sur la mer constitue de toute évidence la...

le 5 févr. 2014

6 j'aime

3

Un beau dimanche
CamilleDlc
6

C'est pas tous les jours dimanche

Film plein de dualités, Un Beau Dimanche partage. Climat gracieux et prémices prometteurs ; le film déçoit par une progression lente et une deuxième partie plus pénible et hasardeuse que la première...

le 8 mars 2014

5 j'aime

4

Du même critique

Les Garçons sauvages
chester_d
3

Expérience de laboratoire

En septembre dernier Bertrand Mandico réalisait le clip d'une chanson de Calypso Valois: dans ce petit film de cinq minutes, un esthète présentait à ses hôtes, lors d'un dîner, sa nouvelle...

le 10 mars 2018

35 j'aime

6

Trois souvenirs de ma jeunesse
chester_d
4

Feuilles mortes

Arnaud Desplechin a retrouvé ses vieilles lettres d'amour. Et avec elles les souvenirs d'une jeunesse studieuse, que son film situe entre le lycée Baudelaire de Roubaix et les couloirs de la fac de...

le 26 mai 2015

24 j'aime

Un homme idéal
chester_d
1

Les Pistolets de Pouchkine

Un homme idéal commence comme un conte social : un jeune déménageur (Pierre Niney) découvre dans une maison un manuscrit écrit par un soldat français pendant la guerre d'Algérie. Le texte, sobrement...

le 18 mars 2015

21 j'aime

7