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Il y a des films que je qualifierais de Téléfilms de cinéma : des longs métrages qui feraient d’honnêtes thrillers en première ou deuxième partie de soirée sur une chaine télé, ou des DTV tout à fait acceptables, mais pour lesquels on se demande par quel miracle (ou par quel accident) ils arrivent dans les salles obscures.

Un homme en fuite fait pour moi partie de cette catégorie. Il y rejoint par exemple – et par bien d’autres aspects : l’enquête, les Ardennes, la photographique bleue délavée – l’extrêmement raté Trois jours et une vie, le long métrage de Nicolas Boukhrief adapté d’un roman de Pierre Lemaître qui avait fait un flop en 2019.

Pourtant, Un homme en fuite semble assez bien produit : on retrouve au financement la Région Grand Est, deux chaînes TV (Canal+ et M6), StudioCanal, un fond privé venant de la BNP, et plusieurs Sofica (des sociétés de financement du cinéma et de l’audiovisuel sous formes de placements bancaires). Bref, le budget n’était sans doute pas celui d’un Astérix, mais on ne peut pas justifier le petit désastre du film par un manque de moyens qui aurait entravé la vision artistique.

Un homme en fuite est le premier long métrage de Baptiste Debraux, après notamment deux courts métrages. Et ça se ressent. Il faut malheureusement avouer que le bonhomme est sans doute bon technicien, mais qu’il manque ici une fibre cinématographique.

Pourtant, sur le papier, Un homme en fuite était un thriller policier plutôt ambitieux. Ancrant son récit à Rochebrune, petite ville industrielle au cœur du massif des Ardennes, en pleine crise sociale, avec la grève générale de l’usine locale que les patrons veulent fermer et délocaliser. Par le lieu géographique (la forêt en automne a tout pour être déprimante), et par ce climat d’agitation sociale, le long métrage cherche à créer une vraie tension narrative. Bien que Baptiste Debraux soit lui-même originaire des Ardrennes, Rochebrune est une ville fictive. Le réalisateur déclare : « j’ai inventé Rochebrune autant pour mettre une distance avec mon vécu que pour me sentir le plus libre possible. Me rappeler à moi-même que cette histoire est avant tout une fiction ».

C’est dans ce contexte que le film raconte une enquête policière, ou plutôt une chasse à l’homme, celle de Johnny, leader du mouvement de protestation, qui est recherché pour avoir braqué un fourgon de convoyeurs de fonds et tué l’un des conducteurs. Le film suit deux trajectoires différentes, qui déroulent leur fil en parallèle. D’une part l’enquête, menée par Anna Radoszewski, une native de la région, qui avait quitté cet endroit sinistre pour devenir gendarme, et qui est justement dépêchée sur les lieux du crime, et vers son passé. De l’autre, nous suivons Paul Ligre, l’ami d’enfance de Johnny parti étudier à Paris et devenu écrivain sans grand succès, qui tente de retrouver la trace du fugitif et aider comme il peut les grévistes.

Malheureusement, dans Un homme en fuite, la sauce ne prend pas. Bien que porté par deux acteurs talentueux, Léa Drucker qui joue la policière Anna, et Bastien Bouillon qui interprète Paul (sa prestation est ici bien loin de celle de La Nuit du 12, un thriller policier autrement plus poignant, pour laquelle il avait reçu un César), on ne les sent pas très investis. Les deux acteurs font ce qu’ils peuvent, avec des dialogues bien trop écrits qui sonnent faux par moment.

La mise en scène est assez plate, coincée dans un carcan académique, et n’ose jamais. On ne compte plus les plans à contre-jour, d’une silhouette toute sombre se découpant sur un ciel gris. Dès le premier plan – un homme qui court dans les bois – en caméra à l’épaule qui gigotte dans tous les sens, on se dit que ça va piquer. La photographie quant à elle est presque une caricature des thrillers de l’Est : l’image est constamment passée au filtre bleu (l’affiche du film en donne un parfait exemple) pour renforcer la froideur de la vallée et la pauvreté de ses habitants.

Un homme en fuite a tout de même été présenté en sélection 2024 à Reims Polar. Malheureusement, le film n’arrive pas à embarquer son spectateur et à trouver l’ampleur d’un bon thriller. On reste sur sa faim, dommage.

D-Styx
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le 10 mai 2024

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D. Styx

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