La veine paranoïaque et complotiste de films américains tels que "The Parallax View", "The Conversation" ou "Klute" finit par atteindre la France en ces seventies finissantes : Jacques Deray signe ainsi une œuvre kafkaïenne d'une audace et d'une pertinence remarquables, ramenant l'homme à son statut de fourmi impuissante dans ce monde mondialisé et dangereux.


Pourtant, je ne dirais pas que j'ai adoré "Un papillon sur l'épaule". En bon esprit cartésien, j'ai été perturbé par ce scénario à trous, qui laisse le spectateur se débrouiller pour reconstituer le puzzle (ce qui reste possible avec les éléments dont on dispose), et surtout l'oblige à accepter l'inexplicable (à l'image de la fin, difficile à interpréter de façon rationnelle).


Mais ce qui m'a le plus dérangé, c'est le rythme : très mou et très lent. De plus, certaines scènes apparaissent redondantes, et comme en prime on nage souvent dans le brouillard, l'ennui n'est jamais bien loin (d'ailleurs le film fut un échec au box-office).
Avec un récit plus intense et un tempo plus soutenu, je ne crois pas que le malaise diffusé eût été moindre, ni le film moins efficace.


Heureusement, le film n'est pas trop long, et surtout Deray a l'excellente idée de situer l'action à Barcelone : si aujourd'hui la cité catalane est une capitale touristique, en 1978 la grande majorité des français n'y a jamais mis les pieds, et son aspect étrange et pittoresque, bien avant la modernisation urbaine corollaire à l'organisation des JO en 1992, illustre bien la sensation de trouble et d'isolation du héros impuissant, et du spectateur par la même occasion.


Un mot sur l'interprétation : Lino Ventura affiche par instant certaines limites dans son jeu, mais sa présence massive et rassurante accentue le trouble ressenti face à son impuissance constante.
Autour de ce héros dépassé gravite une galerie de seconds rôles particulièrement réjouissante : Jean Bouise, excellent en médecin ambigu, Claudine Auger mystérieuse, Paul Crauchet en pyjama rayé, Dominique Lavanant le temps d'une scène, sans oublier Nicole Garcia, qui nous rappelle qu'elle fut très jolie à ses débuts.

Val_Cancun
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le 17 avr. 2019

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