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Tout comme Black Panther sorti un mois plus tôt, Un Raccourci dans le Temps s'inscrit dans une logique progressiste désirée par Walt Disney Studios afin d'encourager l'égalité et la tolérance, Ava DuVernay devenant la première réalisatrice afro-américaine à prendre en main une superproduction à 103 millions de $ et étant connue pour sa tendance à parler de sujets sociaux. Le choix rêvé pour les pontes de la compagnie dont le maître-mot est depuis peu l'acceptation concernant la branche Live.


L'année précédente, La Belle et la Bête en avait souffert le premier, ressemblant plus à un bourrage de crâne bien-pensant qu'à un film, nous balançant en pagaille des personnes de couleurs, des couples mixtes et des homosexuels sans réfléchir une seconde à la pertinence de leur ajout. Un Raccourci dans le Temps s'en sort un tout petit peu mieux car souhaite, comme l'avait fait À la Poursuite de Demain, parler à la jeunesse actuelle pour qu'elle utilise son talent à bon escient. Tout le film baigne dans cette idée de différence qui pourrait fonctionner si le souhait du vivre-ensemble ne nous était pas martelé à chaque minute. D'un casting multiethnique aux sempiternels bons conseils des guides, il ne se passe pas une scène sans qu'on insiste lourdement sur l'importance du rapprochement et de l'unicité de chacun, au point que cela en devient écœurant. Il arrive que le message soit diffusé de manière plus discrète et même maligne (les créatures d'Uriel parlant en couleur, la garde-robe de Mme Qui mélangeant toutes les cultures orientales possibles) mais le texte prime trop sur l'image.


Car la plus grande déception vient de là où on s'y attendait le moins, Jennifer Lee. Pourtant une des superviseures créatives majeures de Disney Animation, la scénariste s'est pour la première fois complètement plantée dans le processus de réécriture du livre. A Wrinkle in Time étant réputé pour être inadaptable, la tâche n'était pas aisée et le résultat est raté. Difficile de savoir si la faute ne revient qu'à elle ou à des complications durant le développement du film (certains passages de la bande-annonce sont absents du produit final dont la capture du Dr. Murry) mais la faiblesse de son travail empire une fois combiné à tous les autres problèmes de l'oeuvre.


Parmi eux, l'incapacité de raconter de façon cohérente le récit, tout le passé de la famille Murry étant stupidement intégré sous forme de flashbacks alors qu'il est essentiel à la connexion entre le spectateur et l'héroïne pour comprendre comment est-ce que cette dernière peut passer d'une petite fille joyeuse à une adolescente renfermée en un plan. Nous savons si peu sur le personnage que sa peine ne nous permet pas de nous identifier à elle. Cela se répercute sur ses compagnons, Calvin O'Keefe pour l'exemple qui n'a tout simplement pas d'introduction et n'a pas l'air lui-même de comprendre ce qu'il fait ici. Les raisons de sa présence ne sont révélées que trop tard et il ne semble finalement pas nécessaire à l'histoire. Certains éléments sont trop négligés pour ne pas dire carrément oubliés comme le Tesseract permettant de voyager dans l'espace-temps et visible durant seulement deux séquences sans qu'on en fasse mention autre part. Une fois le film fini, on se demande encore comment la compraction est censée marcher tellement la projection dans l'univers a l'air simple pour les enfants.


Disons même que personne parmi ce trio n'a l'air de s'interroger sur ce qui se produit sous leurs yeux, ils foncent tête baissée sans se poser de questions alors que nos repères quant à ces autres dimensions sont aussi imprécis que ceux sur Terre. Les trois êtres surnaturels devant servir d'éclaireuses rendent ironiquement le fond encore plus confus, amenant les jeunes héros d'un point A à un point B mais restant extrêmement brouillons dans leur définition de la traversée interstellaire. Lorsqu'elles disparaissent au bout d'une heure, le sentiment d'abandon n'a pas l'effet attendu tant tout est encore trop vague. L'idée de faire de l'action la réflexion était prometteuse mais là encore, tout s'enchaîne si bizarrement, sans que l'on comprenne où l'on va (doit-on parler de Zach Galifianakis et de Michael Peña qui n'ont quasiment rien à jouer, ou encore de David Oyelowo doublant le "Ça"?) que cela vire au ridicule jusqu'à une résolution amenée si abruptement qu'on se demande si tout est vraiment terminé.


On ne pourra retirer à Ava DuVernay le mérite d'avoir voulu se démarquer en terme d'esthétique et de créer son style à elle. Malheureusement, celui-ci accumule les erreurs artistiques frôlant parfois le nanardesque (la vision d'un garçon, posé sur une feuille de laitue géante, caressant la joue de 5 mètres d'Oprah Winfrey va rester ancrée dans les mémoires pour longtemps) et n'a pas pas reçu une attention suffisante des informaticiens au vu de la qualité très discutable des effets numériques (la visite chez le Medium est illisible avec son floutage dégueulasse). Il n'y a que quand le film part dans le minimalisme que l'imagerie gagne en intérêt (la prison de Murry, la banlieue de Camazotz) mais pas assez pour que nous nous sentions proches émotionnellement des personnages.
Tant qu'à parler de boulettes, impossible de ne pas être agacé en entendant les chanteurs populaires venir saccager les moments-clés de l'intrigue tels la marche sur l'escalier invisible du dôme. Il faut vendre des albums mais il y a d'autres moyens de le faire.


Un Raccourci dans le Temps était sûrement plein de bonnes intentions mais n'est en définitive qu'un gros loupé. Malgré la sympathie que l'on a pour l'équipe, casting compris, la douche froide est la seule chose à retenir de cette expérience manquée. Visuels inégaux, dialogues risibles et rôles mal développés n'en font pas un métrage détestable, seulement un échec qui ne parvient jamais à émerveiller ou à émouvoir.

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le 14 mars 2018

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Walter-Mouse

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