La politique du paraître

Ce documentaire se veut retracer le point de vue présidentiel pendant 6 mois. Pourtant, étrangement, on suit plus un certain Gaspard Gantzer que François Hollande lui-même.
Et ce n'est pas pour rien : ce dernier mène une politique du paraître (1).

Un documentaire sur Hollande, mais pas sur Hollande, mais sur Hollande..?

Cet homme est "chargé du pôle communication" de l'Elysée. Alors pourquoi centrer le documentaire à ce point sur lui plutôt que le président lui-même ?
On peut d'une part imaginer que, le documentaire ayant été visionné a posteriori par le président lui-même (ou son équipe de com', bien sûr), il est normal de ne pas avoir "volé" quelques images ; on peut par ailleurs s'assurer par là qu'on ne trouvera rien de sensationnel dans ce documentaire, et qu'il ne sera pas à charge contre la présidence de Hollande. J'y vois pourtant une attaque de la manière-même de faire de la politique que cautionne le Parti Socialiste. On y reviendra.
Le documentaire se penche entre autres sur Merci pour ce moment, la bombe médiatique daubesque de Trierweiler sur sa vie avec Hollande à l'Elysée. On y voit un Hollande marqué, mais qui réussit à en plaisanter avec son équipe de cabinet ; que c'est émouvant ! Et que le personnage devient humain, derrière un visage-de-marbre-mais-qui-laisse-entrevoir-un-homme-touché savamment mis en scène !
Ce documentaire porte malgré tout bien son nom. Il est centré sur la vie de l'Elysée en général, et même si le président en fait partie intégrante et capitale, il n'en est pas non plus la seule composante.

Quand la communication prend le pas sur la politique

Alors qu'y-a-t-il à voir d'autre ? On aurait pu s'imaginer entrevoir des conseillers politiques, des spécialistes en tout genre, des personnalités internationales. Et en effet, quelques rares passages nous montrent quelques images du Hollande chef diplomatique, du Hollande chef de guerre, et du Hollande chef tout court (pendant le remaniement ministériel). Mais l'immense majorité du documentaire se porte sur la communication, à mon avis pour deux raisons : premièrement, bas les pattes, le journaleux, tu n'as pas le droit de montrer de la "vraie politique" aux gens (mais alors, il aurait pu se contenter de longs plans sur des portes fermées, ou avec le son coupé, alors que certains passages sont sous-titrés) ; deuxièmement, ça relève à mon avis du choix (conscient ce serait bien, ou alors inconscient par reproduction des sphères connues) de montrer ce pan-là de la vie élyséenne.
Et on voit en effet à quel point la journée présidentielle est organisée de manière à satisfaire des besoins "communicationnels" (interview avec le journal "objectif et indépendant" Le Monde, déclarations, visite d'une école, inaugurations, visite de la garde nationale...) plutôt qu'à répondre à des enjeux politiques qui eux, n'ont qu'à attendre (2). Un passage nous montre ainsi Valls et Hollande expliquant son rôle de ministre à Fleur Pellerin (3), lui disant qu'elle devait "se taper" [Hollande] des spectacles tous les soirs : "dis que c'est bien, que c'est beau... Ils veulent être aimés !" [Hollande].
On est porté dans le bling-bling permanent, mais savamment orchestré pour ne pas paraître bling-bling, justement.

Conclusion - Le paraître mis à nu

Il manquerait à ce documentaire une analyse qui l'accompagne, car il a du mal à faire parler les images d'elles-mêmes ; ces gens-là sont de toute façon des maîtres en matière de communication, ils arrivent à rendre Hollande sympathique, à rendre le visage narquois de Netanyahu arrivant à l'Elysée pour les manifestations du 11-Janvier presque regardable (bon, ça, non, faut rien exagérer).
Au delà de ces réussites de com', le documentaire nous plonge bel et bien dans la ruche de l'Elysée. Et on le voit : on arrive au point où la prise de décision politique est conditionnée par le soutien d'une option en particulier dans les sondages ; au point où se développe une sorte de langage médiatique, pensé par les médias (ou des gens qui en sortent), et pour les médias, fait de petites phrases simples, dont la production ni la compréhension ne demandent aucune analyse, aucune réflexion politique. En d'autres termes...

Le degré zéro de la politique.

Notes

(1) Aux côtés de sa politique "tout court", dont on pourrait longuement disserter...
(2) Au moment de la préparation des vœux de fin d'année, Hollande parle des SDF, en disant que "malheureusement" c'était encore une réalité ; passage assez révélateur du défaitisme, voire du fatalisme politique, amenant à se dire qu'il n'y a pas d'alternative...
(3) Ministre de la Culture