Film que j'ai découvert sur le tard, il y a peut-être une dizaine d'années, peut-être un peu plus, à la télé. Bien entendu, j'en avais entendu parler comme d'un chef d'œuvre, un film référence, bref, le film mythique comme il n'y en a que quelques-uns par génération, etc …

Et c'est vrai que déjà le titre est intrigant. On finit le film et on a simplement compris que le tramway que prend Blanche à son arrivée prend le nom d'une rue de la Nouvelle Orléans appelée Desire Street. Il y a la connotation du mot "désir" qui va accompagner le spectateur pendant le film …

Le film est une adaptation d'une pièce de théâtre de Tennessee Williams que je ne connais pas. Pièce qui fut et est encore jouée fréquemment dans le monde entier. Il est vrai que le film conserve un aspect un peu théâtral dans ses dialogues et sa mise en scène. Les scènes extérieures restent bien souvent statiques sans grands mouvements de caméra. Mais la puissance de la mise en scène va s'exercer à travers les éclairages et les jeux de lumière et d'ombres notamment sur les visages des divers protagonistes.

Mais l'intérêt du film, c'est la confrontation de deux personnages que tout oppose. Stanley, mari de Stella, face à sa belle-sœur Blanche qui vient s'installer dans leur petit deux pièces de la Nouvelle-Orléans.

Stanley, c'est le mâle dominateur, mal dégrossi, grossier, animal. Pourtant, il sait que c'est le code civil de Napoléon qui est en vigueur en Louisiane qui stipule que tout ce qui appartient à la femme appartient à l'homme. Blanche est l'héritière d'une famille ruinée de plus haute extraction d'une petite ville de Louisiane. Est-elle veuve, a-t-elle eu vraiment une histoire de mœurs avec un adolescent, a-t-elle fini dans un hôtel de passes, en tous cas, elle débarque chez Stanley et Stella dans un état psychologique très perturbé tout en jouant la grande dame bien éduquée qui se raccroche à un passé glorieux. Manipulatrice, elle ne fait illusion que sur sa sœur, Stella et un copain de Stanley, Mitch. Après avoir tenté en vain la séduction sur Stanley, la relation avec son beau-frère devient très vite conflictuelle et haineuse.

Pour Stanley, l'amour n'est qu'un rapport de force, un instrument de domination. Pour Blanche, l'amour n'est plus qu'une illusion, le résultat d'une humiliation devenue incontrôlable la poussant à la fuite. Seule Stella vit l'amour avec son mari en acceptant sa violence et sa domination qu'elle avouera comme étant une source d'excitation. Quant à Mitch, la peur de la solitude qui le guette avec la mort (annoncée) de sa mère, le fait accepter l'idée de l'illusion de l'amour.

Le film, c'est aussi et surtout l'interprétation marquante, inoubliable des quatre personnages.

Le personnage le plus ambigu et le plus émouvant, dont on ne sait pas grand-chose mais dont on comprend la déchéance, le personnage de Blanche donc, c'est Vivien Leigh qui l'assure. À première vue, on pourrait dire qu'elle en fait des tonnes. Je pense au contraire qu'elle est très crédible dans un jeu où elle tente de surmonter une instabilité à travers sa fuite en avant, à travers ses bains à répétition, son voile de parfum derrière lequel elle se réfugie. Kazan accentue d'ailleurs l'ambiguïté du personnage en lui masquant son regard par un jeu d'ombres. Un très beau jeu qui fait passer le spectateur d'un agacement certain au début jusqu'à la poignante compassion à la fin.

Marlon Brando, c'est, bien sûr le rôle de Stanley, le mâle dominant, l'animal violent, l'homme ombrageux. Il joue à la perfection cet homme commun (comme Blanche le qualifie), éructant, frappant, humiliant. Sa plastique qu'on découvre à travers ses tee-shirts en lambeaux fait merveille. Le rôle qui crée la légende …

N'oublions pas les deux seconds rôles :

Stella, l'épouse soumise qui a laissé son statut de bourgeoise pour vivre sous la domination de Stanley. Écartelée entre son amour pour Stanley et sa sœur Blanche qui lui rappelle une splendeur passée. Kim Hunter qu'on retrouvera quelques années plus tard dans le docteur Zira de la "planète des singes"

Karl Malden qui joue le rôle de Mitch, pour une fois dans un rôle de colosse gentil et compatissant.

En conclusion, un film brillant et difficile pour décrire une descente aux enfers de Blanche sous nos yeux impuissants.

C'est aussi un film très riche qui gagne à être revu.


JeanG55
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le 17 nov. 2023

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JeanG55

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