Après le thriller politico-judiciaire La Révélation, l’Allemand Hans-Christian Schmid se recentre sur l’intime à travers l’étude d’une cellule familiale en voie d’implosion. Le sens du suspense et l’ambivalence de point de vue demeurent.


Le week-end s'annonce calme à défaut d'être passionnant. Une famille - milieu aisé d'intellectuels campagnards - doit se réunir. L'occasion est finalement assez rare pour Gunther et Gitte, jeunes sexagénaires, de recevoir à la fois Marko, l'aîné de leur fils parti vivre à Berlin, et Jakob, le plus jeune resté vivre à proximité. Le premier est venu avec son fils, le second avec sa, fiancée. Le couple de parent est à un tournant de sa vie : le père prend sa retraite en vendant sa maison d'édition. Mais la vraie nouvelle qui va bouleverser ce week-end pépère est ailleurs : Gitte- la mère - annonce que depuis deux mois, elle a décidé d'arrêter les médicaments qui la traitaient depuis trente ans pour sa maniaco-dépression. Et tout le monde plonge bel et bien la famille dans le doute.


Chez Schmid, tout est dans la nuance et dans le refus du sensationnel : pas de lourds secrets à la Festen, pas de perversion cachée à la Pingpong de son compatriote Matthias Luthard ; le regard de Schmid est subtil et ne juge trop durement aucun de ses protagonistes., Par quelques allusions et par quelques regards gênés, Schmid nous explique que père et fils ont , beaucoup"encaissé" pendant les moments de crise de Gitte et ont dès lors fabriqué des réflexes d'auto-protections passant aussi par la dissimulation, le non-dit et le masque social.,La maladie de Gitte a faussé les rapports entre chaque membre de la famille : trouvant son salut dans les médicaments, la"mère" a été dès lors préservée, ménagée voire ignorée. Elle n'est même plus appelée""maman" comme si elle ne représentait plus totalement une figure maternelle affectueuse et réconfortante. Elle n'est plus qu'une malade en suspens. Dans cet univers atrophié, chacun garde pour lui ses problèmes (d'argent, de coeur, de couple), car la peur de voir le démon de la maniaco-dépression se réveiller justifie cette parole non-dite, cette fausseté des sentiments.


Et c'est là que le clash survient, mesuré, diffus mais bel et bien prégnant. Par son choix d'abandonner cette ceinture chimique qui la contraint, Gitte s'émancipe et redistribue malgré elle les cartes. Elle , fait même évoluer le genre du film. Schmid s'intéresse à la psychologie de l'individu et du collectif - la famille et"ce qu'il en reste" (le titre original) après 30 ans mais il est aussi un cinéaste de l'action et du mouvement et on n'est pas étonné que, la chronique amère se mue en film de suspense et même en conte lorsque l'action bouge de la maison design chic vers une forêt touffue digne du Petit Poucet. Gitte disparaît et parti à sa recherche, Marko vit une drôle d'expérience nocturne qui le voit enfin appeler Gitte"maman" la mère a symboliquement recouvert son rôle.


Hans-Christian Schmid choisit une fin ouverte ne scellant pas le sort de Gitte. Mais fort de cette expérience douloureuse et de ces paroles enfin libérées, les survivants seront plus enclins à vivre leur nouvelle vie et leurs vrais sentiments. Meurtris mais en pleine lumière.


http://www.benzinemag.net/2013/02/08/un-week-end-en-famille-hans-christian-schmid/

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le 7 févr. 2013

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