Quand la poésie vient de l'espace, les émotions frôlent le zéro absolu.
Je ne sais vraiment pas si on peut (encore moins si on doit) dire qu'Under the skin est un film de science-fiction. C'est un peu comme si on disait qu'Eraserhead est un polar ou que Brazil est une romance ; c'est forcément insuffisant, à côté de la plaque.
UTS est un film étrange, certes, un long rêve qui tourne au cauchemar, sans que l'on sache exactement pour qui ni comment. Une histoire se déroule sous nos yeux et dans nos oreilles (très belle bande-son, tant la musique -de Mica Levi- que les bruitages) ; les explications se font languir, on croit en apercevoir une... mais non, ce n'était qu'un reflet de phares.
N'allez surtout pas voir ce film avec quelqu'un qui a l'habitude de demander à haute voix "Pourquoi elle fait ça?", "Et lui, d'où il vient?"... Vous craqueriez bien vite. UTS ne fournit pas d'explication, tel un David Lynch qui se respecte.
Une créature féminine appâte des hommes et les noie dans un formol matriciel qui les vide de leurs substances. Un motard peu scrupuleux la surveille, de loin.
'Holy Motors' de Léos Carax n'est pas loin, 'Teeth' de Mitchell Lichtenstein non plus (même si, d'une certaine manière, l'héroïne d'UST est le contraire de Dawn O'Keefe), on pense aussi à 'Cashback' ou 'Essential killing' mais ce n'est sans doute qu'à cause de la neige; le tout est agrémenté de la philosophie des sens de l'abbé Condillac. L'héroïne apprendra-t-elle à ressentir quelque chose au contact des humains? Curieusement, UTS raconte exactement l'inverse de "Perfect Sense"... Le sujet est à la mode: quand cesserons-nous d'être humains? Serait-ce le signe de l'apparition d'une nouvelle névrose?
On assiste donc à quelque chose d'insidieux, qui tourne lentement au malaise... mais lequel? Et pourquoi est-ce si lent? S'agit-il de la condition humaine en général? De celle des femmes, écrasées par les hommes? De celle des hommes, délaissés par les femmes? Un peu tout cela à la fois, peut-être. A chacun de mettre son filtre.
Tout cela est lent, trop lent, contemplatif, d'une "contemplativitude" pas toujours justifiée. On se demande souvent ce qu'aurait donné le film avec quelqu'un d'autre à la place de Scarlett Johansson. Impossible à dire. Faut-il admirer l'actrice d'avoir pris ce risque? Aucune idée.
Il reste que ce film est une expérience intrigante, qui mériterait d'être menée sans discours tapageur. Au moins, les dialogues ne prennent pas la tête... surtout avec l'accent urbain écossais.
alfredboudry
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le 27 juin 2014

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Alfred Boudry

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