Le duo Olivier Nakache-Eric Toledano a pour habitude de pénétrer le microcosme d'un milieu précis et d'en tirer une comédie qui oscille souvent entre le doux et l'amer, avec un arrière-fond social. Parfois, même, à partir de cette habitude de construction scénaristique, ils se permettent de se faire rencontrer des personnes de mondes contraires, l'un ou les uns, par un hasard du destin, faisant connaissance avec des êtres auxquels il(s) n'aurai(en)t jamais dû se lier.


Difficile de ne pas tout de suite penser à Intouchables, bien sûr. Et il y a aussi Une année difficile. D'un côté, deux losers lourdement endettés, croulant sous les crédits à la consommation. D'un autre, un groupe d'écologistes qui manifeste bruyamment pour essayer de provoquer, en vain, une prise de conscience quant au réchauffement climatique. Les inquiets de la fin du mois (voire de la semaine, vu qu'ils ont l'air vraiment enfoncé dans la merde !) vs les inquiets de la fin du monde. Deux visions opposées de la vie qui cohabitent, par la naïveté des uns, par l'opportunisme des autres.


En voilà une bonne idée de départ pour faire une bonne comédie sociale, avec la promesse de personnages hauts en couleur, sur des thématiques peu abordées dans le genre.


Mouais, le résultat est aussi réfléchi et imprévisible que l'effet d'un pet de vache sur toute la couche d'ozone, mais avec quelquefois une odeur bien plus suffocante.


Le groupe d'écologistes se résume juste, du début à la fin, à une bande de naïfs qui se donnent des surnoms rigolos, sans creuser plus en avant, sans aller au-delà de ce vernis peu convaincant. Pourtant, il y avait l'esquisse de quelque chose d'intéressant sur le plan de la critique sociale (mais très vite laissé en plan !), lorsqu'il est révélé que le personnage incarné par l'excellente (donc, les gars, on évite de lui foutre un rôle sans grande consistance, indigne par rapport à ce qu'elle est capable d'offrir !) Noémie Merlant (dont le charisme et la force de caractère, qui transparaissent chez elle, n'ont aucun mal à rendre crédible qu'elle soit une leadeuse naturelle !) est une fille d'ultra-riches. Ou comment on peut se permettre (sans jamais remettre en cause la sincérité de l'engagement de la principale concernée !) de se soucier de la fin du monde quand on n'a pas à se soucier de la fin du mois.


Le type endetté et opportuniste, à qui Pio Marmaï prête ses traits, se contente de suivre la trajectoire de l'anti-héros ne pensant qu'à sa gueule avant de ressentir une affection sincère pour les personnes qu'ils côtoient. Mais son ancien vrai visage va être révélé, les autres vont se fâcher contre lui au point de le rejeter, il va se racheter... Oh là, là, je ne m'attendais pas du tout à cette trajectoire scénaristique vue et revue un milliard de fois auparavant.


Jonathan Cohen refait pour la 10000ᵉ fois sa partition usée du beauf con et égoïste... Quelle surprise !


Les réalisateurs ont dû être tellement contents d'avoir Mathieu Amalric au casting, que regrettant de lui avoir peu à lui offrir dans un second rôle assez mince, ils lui ont créé un running-gag embarrassant pour lui ajouter du temps de présence. Non, voir un monsieur ne réussissant pas à sortir de sa dépendance, à travers plusieurs tentatives infructueuses de faire à chaque fois la même connerie, ne pousse pas à se marrer.


Autrement, ces mêmes réalisateurs, ne sachant pas comment achever leur histoire, sélectionnent l'option de la facilité, avec supplément mièvrerie, en n'osant pas montrer frontalement la dure réalité des protagonistes face aux conséquences de leurs actes, avec une conclusion onirique à deux balles, dans laquelle tous vivent heureux ensemble, dans un univers dans lequel la surconsommation n'est plus.


Ah oui, je ne vois pas l'intérêt de faire dire à un personnage "dépêchez-vous de visiter, ça va fermer dans cinq minutes !", pour qu'il ajoute immédiatement après, "vous devez partir, le temps de visite est terminé !". Ce n'est pas plus logique de lui faire balancer à la place "désolé, monsieur, la visite vient juste de se terminer !". Euh... ouais, je suis un pathétique pinailleur...


C'est crédible le fait que l'on puisse entrer dans la Banque de France et dans un aéroport comme dans un moulin ?


Et c'est censé être marrant le "gag" de la femme pas gâtée par la nature qui a l'"outrecuidance" de tomber amoureuse... dégageant le message minable "oh, la moche, elle est amoureuse, c'est trop marrant, car elle est moche et amoureuse alors qu'une moche n'a pas le droit de tomber amoureuse !". Non, sérieux, mes zygomatiques doivent fonctionner en visionnant cela ?


Ah oui, autour de ce même personnage, bien plus grave encore, visiblement, le harcèlement sexuel, c'est drôle quand c'est l'homme qui le subit. Ouais, ouais, c'est bon les meufs, si vous voulez embrasser de force un mec ou lui mettre une main au cul, malgré sa désapprobation, vous pouvez y aller sans problème. Ouais, ouais, ce sont les réalisateurs qui le disent.


Bref, à partir de sujets profonds (le surendettement et le militantisme écologique !), qui auraient pu injecter une consistance de ouf, du point de vue de la satire, du point de vue de l'humain, Nakache et Toledano préfèrent sacrifier tout cela sur les autels des grosses ficelles, désespérément faciles et prévisibles, et des gags lamentables, pour ne pas dire douteux, voire dégueulasses.

Plume231
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le 18 oct. 2023

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