A Star is Born (William A. Wellman, U.S.A, 1937)

Hollywood, 1937.
Les États-Unis vivent encore au rythme de la Crise de 1929 et de la Grande Dépression qu’elle a engendrée. Dans les derniers instants du New Deal, du nom de la politique menée par Franklin D. Roosevelt, élu en 1933, arrive sur les écrans cette œuvre très ancrée dans son époque, qui vient rappeler à quel point le projet américain est grand, au point de dépasser ses citoyens, ceux qui vivent au cœur de l’American Way of Life.


En forme de conte contemporain, ‘’A Star is Born’’ témoigne tout d’abord d’une période, et rappelle qu’Hollywood fût l’une des rares industries à ne pas avoir été frappée par la Crise. En 1937 la capitale du cinéma est en effet en plein dans son âge d’or, qui perdure jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Avant de devenir un organe du pouvoir, se diviser entre Conservateurs et Libéraux, et sombrer peu à peu dans de multiples Crises, durant les années 1950, à la fin des années 1960, lors des années 1980, et à l’heure actuelle, où l’industrie connaît un véritable âge de plomb. Ayant atteint ses limites, et se montrant Incapable de se renouveler depuis bientôt quarante ans.


En 1937 le film de William A. Wellman arrive sur les écrans en plein âge d’or. Pourtant cette œuvre s’avère critique et prévenante, en ce qui concerne l’American Dream. Ce dernier est ici apposé au rêve hollywoodien, et suit le parcours d’une jeune aspirante actrice, Esther Blodgett (Janet Gaynor), de sa campagne natale où personne ne la prend au sérieux, aux sphères hollywoodiennes.


Sur un ton parodique, cette production de David O. Selznick se fait acide envers l’envers du décor, par le biais d’une plongé au cœur des plateaux de cinéma, usant d’une dose d’absurde nécessaire à livrer un regard légèrement cynique sur le microcosme hollywoodien et son univers impitoyable. Alors que la carrière d’Esther décolle, en parallèle celle de son amant, Norman Maine (Fredric March) une star du grand écran sur le déclin, très porté sur la boisson, s’effondre peu à peu.


Deux trajectoire sont ainsi proposées, formant un ensemble homogène pour retracer une carrière hollywoodienne dans sa globalité. Au travers d’un premier arc narratif, qui suit Esther, ce qui est présenté sont les premiers temps d’une carrière, où l’innocence a encore une place, puis s’efface avec les débuts de la notoriété. Avant de disparaître au firmament du succès, et de la reconnaissance du métier et du public. Par le second arc, qui suit Norman, c’est une lente agonie qui est traduite, par la dégringolade du firmament où il se trouvait. Violement rejeté par l’industrie, car il ne fait plus recette, et son comportement de plus en plus ingérable, le mène vers une inexorable disgrâce.


C’est ainsi un regard acéré sur Hollywood que propose cette version 1937 de ‘’A Star is Born’’, illustrant ce que cette industrie a de plus malsain, dont cette capacité à broyer les individus. Esther Blodgett est une jeune ingénue ignorante, qui passe du statut de serveuse lambda à mégastar. Prise sous l’aile d’un mogul, ce dernier lui façonne une nouvelle image, une nouvelle identité, la dépossédant de sa véritable nature de provinciale, au point de changer de nom pour gommer ses racines populaires. Elle devient dès lors la star naissante Vicki Lester.


En ce qui concerne Norman, c’est la même histoire. Lui aussi fût un jeune premier, lui aussi prît un nom de scène, pour cacher la consonance judaïque de sa véritable identité. Ses empreintes sur le Hollywood All Fame témoignent de sa gloire passée, mais la starification a fini par le broyer. Là où pour Esther le rêve commence, pour Norman le cauchemar prend fin. Désabusé, malheureux, perdu au cœur d’une industrie qui ne veut plus de lui, devant des comptes à ceux qui ont fait de lui une star (les mêmes qui façonnent Esther), il sombre lentement vers un point de non-retour.


Par ces deux destins croisés ‘’A Star is Born’’ dresse un portrait peu reluisant de la starification. En usant de la convention de cette jeune ingénue provinciale qui monte à Hollywood pour faire carrière. Rependu dans la production, ce cliché est désormais présent dans des œuvres diamétralement opposées, que ce soit le ‘’Mulholland Drive’’ de David Lynch, ou dans la série ‘’The Big Bang Theory’’. Cette convention devenue cliché nait réellement avec le film de David O. Selznick, dont l’impact se perçoit encore aujourd’hui sur la production.


Légèrement cynique donc, mais d’une réelle bienveillance envers ses personnages, ‘’A Star is Born’’ présente de manière factuelle les risques et dérives d’Hollywood. En auto-analyse anthropologique réaliste et alarmante, c’est une œuvre à double tranchant. Avec d’un côté cette mise en garde pour quiconque voudrait tenter l’aventure hollywoodienne. Sachant que le taux de réussite est absolument minime. Et de l’autre côté, ce rêve américain à portée de main. Qui par le personnage d’Esther est monté en exergue. Ce rêve né en 1620, consolidé en 1776 et solidifié en 1890. Ce rêve d’une nation ayant pour mission d’éclairer le monde, et au sein de laquelle tout est possible, à partir du moment que l’on essaye.


L’Homme indifférencié, ce héros de la masse qui fait partie de la mythologie américaine, est ici incarné par Esther et son destin hors du commun. Bien qu’elle n’oublie jamais d’où elle vient. ‘’A Star is Born’’ se présente ainsi comme une grande fresque mythologique américaine, où l’individu est transcendé par la possibilité de devenir plus que ce qu’il n’est, en réalisant ses rêves envers et contre tous, malgré les étapes et les tragédies. L’American Dream, tout simplement.


-Stork._

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le 10 févr. 2020

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