Nous sommes le samedi 9 septembre, je débarque en toute décontraction aux Halles en prenant la direction de l'UGC pour voir Dans un recoin de ce monde, sauf que c'est la rentrée. Il reste très peu de places, alors je me rabats sur Une famille syrienne. La séance sera aussi bien difficile dans la salle que sur l'écran.


Dans la Syrie en guerre, Oum (Hiam Abbass) tente de maintenir l'ordre dans son appartement. Elle y survit avec ses trois enfants, leur grand-père, sa femme de ménage, un couple avec un bébé dont l'appartement a été endommagé par les bombardements et un ami de son aînée. Les autres logements sont vides, ses habitants ont fui mais Oum ne veut pas quitter son lieu de vie. Elle est attachée à ses murs, comme on va le découvrir lors d'un rare moment d'accalmie où elle s'allonge avec délicatesse et sensualité sur la table de son salon. La femme est forte, mais les hommes frappent à sa porte apportant avec eux toute la violence de leur monde. Elle résiste tant bien que mal, mais jusqu'à quand pourra-t'elle empêcher la guerre d'entrer dans sa demeure.


Le huis-clos est oppressant. On entend les explosions, mais on ne voit rien. La guerre est bien là, frappant à leurs portes en les mettant dans un état de détresse psychologique incommensurable. La vue sur la cour n'est pas une bouffée d'oxygène. Un sniper a pris possession de ce lieu et abat les hommes le traversant. Le mari de Halima (Diamand Bou Abboud) va prendre une balle sous les yeux de la femme de ménage Delhani (Juliette Navis). Elle en parle à Oum, qui lui demande pour l'instant de se taire. On comprend qu'elle est dans son rôle de protectrice, mais comment peut-elle sacrifier une vie pour éventuellement en sauver d'autres? Surtout qu'on ne sait pas si le mari est blessé ou mort. En tant que spectateur, je suis dans l'émotion et non dans la réflexion, du moins dans un premier temps, car finalement la vraie question n'est-elle pas : comment réagirons-nous dans cette situation?


Le cas de conscience au sujet du mari, ne sera pas le seul. En une journée, on va nous faire vivre différentes situations toutes plus éprouvante les unes que les autres. Halima va être le réceptacle de la violence de cette guerre. Elle a perdu son foyer, son mari est abattu, elle va flirter avec l'ami de l’aînée de Oum et être la victime d'une agression sexuelle, rien ne lui sera épargné. En condensant et résumant la guerre et ses conséquences sur les civils et surtout les femmes en un seul lieu, cela provoque un sentiment d'impuissance, tout en ne pouvant m'empêcher de résumer avec une touche d'ironie pour souffler un peu, ce film par une sorte de Amour, Guerre et Beauté. Ce n'est pas très judicieux mais c'est tellement anxiogène que je ressens le besoin de dédramatiser la violence des situations, du moins jusqu'à ce que Halima subisse une agression créant le malaise qui va subsister même après la séance.


Le réalisateur Philippe Van Leeuw nous montre un autre visage de la guerre, celui des civils et plus particulièrement des femmes, des enfants et d'un vieil homme subissant les conséquences de la violence des hommes. Même si cette guerre n'a pas d'existence visuelle, elle subsiste dans l'esprit de chacun et les met dans un état d'angoisse permanent. Cette peur est omniprésente, on la ressent dès qu'une explosion se fait entendre, quand des bruits de pas résonnent dans la cage d'escalier ou lorsqu'on frappe à la porte. Elle est toute proche et attend le moindre faux pas pour s'introduire au cœur de ce foyer. On ne peut échapper à la guerre, à la violence des hommes venant piller les appartements, agressant les femmes, se croyant tout permis en n'ayant aucun sens moral (comment oublier que l'un deux suggère de vendre le bébé...). C'est un regard différent sur un pays en pleine guerre civile, mais aussi éprouvant.


C'est un drame psychologique, sec et oppressant. La séance fût dure, mais en sortant de la salle, ce n'est pas un pays en guerre qui m'attend. Cela permet de relativiser mais pas d'oublier les violences dans ce monde, au contraire du grand-père dont les larmes ouvrent et ferment le film témoignant de sa douleur de voir son pays se déchirer, en tuant les siens et ne pas avoir une seule lueur d'espoir à l'horizon.

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le 16 sept. 2017

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Laurent Doe

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