Si j'étais tenancière d'un bar dans lequel Luc Besson avait ses habitudes, il bénéficierait d'un crédit. C'est un peu dans cette idée que je vais voir ses films : sans partir du principe qu'ils seront bons, je mise sur sa capacité à me surprendre. À mes yeux, il a toujours été cet outsider, ce mec qui ne fait jamais rien comme les autres.


Dans les années de mon enfance, les années 1990, j'ai découvert Nikita, Léon et Le Cinquième Élément. Déjà à l'époque, dans mes yeux de petite fille, ça ne ressemblait à rien d'autre. Si Léon est dans mon top 10, c'est parce qu'il cristallise, je crois, la magie qui opère dans l'esprit de Besson quand il écrit ses personnages. Ses meilleurs films tournent autour d'un personnage féminin qui casse des culs. Dans Léon, l'alchimie est géniale parce que c'est bien Mathilda le personnage fort, pas le tueur à gage. C'était au-delà de l'indomptable Nikita, au-delà de l'indépendante Leeloo.


Voilà. Besson, pour moi, ce sont des personnages féminins qui assument leur force et font preuve d'une certaine insouciance quant à leurs fragilités (ou en tout cas, n'en font pas un handicap, un renoncement anticipé à la bataille qui s'annonce) animés par un désir ravageur d'émancipation, une rage de s'en sortir par tous les moyens presque inarrêtable. Putain, c'était beau.


C'est là que le bât blesse.
Je ne connaissais pas la bande-dessinée "Valérian et Laureline", je ne l'ai pas lue, et je n'irai pas la lire. Ce que je sais en revanche, c'est qu'elle est née dans les années 1970. Même après les évènements de mai 1968 et malgré la volonté du scénariste d'écrire un personnage féminin central, je crois pouvoir affirmer sans trop me tromper que la vision de la femme, c'était pas encore ça. Dans l'univers de la BD, les femmes sont trop souvent dépeintes et dessinées comme des objets de fantasmes masculins.


Je ne doute pas que Laureline est écrite comme un personnage féminin fort par les auteurs, et d'ailleurs je m'en fous. Mais dès les premières minutes du film, je n'ai pas besoin d'avoir lu l'œuvre originale pour être frappée par l'écriture de personnages qui n'ont pas été conçus par Besson. Valérian fout en l'air l'intérêt du personnage de Laureline parce que c'est un archétype du mâle alpha qui ne prend plus au crépuscule des années 2010, soit près de 50 ans après sa naissance.


Je saisis la volonté assumée de Luc Besson d'adapter fidèlement la bande-dessinée de son enfance, mais Valérian est juste un petit merdeux arrogant et macho, face à une Laureline presque trop sage, trop lisse, trop propre.


J'ai été sincèrement déçue de me retrouver, en 2017, face à des archétypes que Luc Besson n'a soit pas voulu (je respecte) soit pas réussi à (plus problématique) dépoussiérer.


C'est beau mais...
Les personnages ne portent pas l'intrigue, alors qu'est-ce qui la porte ?
Hé bien... Presque rien. Le film tombe dans un des écueils de la modernité : c'est une (presque trop) grosse claque visuelle, avec un aspect contemplatif très prononcé. Un choix qui se comprend et s'explique aisément par la volonté de donner vie à un univers de bande-dessinée. Très graphique, très vivant, très visuel, certains reprocheront à Luc Besson d'être peut-être même allé trop loin... C'est pour ma part un point que je ne lui reproche pas.


Mais cet aspect, beaucoup trop présent, a manifestement mobilisé beaucoup d'efforts au détriment de l'intrigue, diluée dans la richesse de l'univers. On comprend mal le contraste entre un environnement si complexe et une intrigue aussi simpliste, là encore affublée d'archétypes usés.
En d'autres termes, l'univers tire formidablement parti des technologies modernes pour exister quand les personnages et le scénario se contentent de ficelles d'il y a un demi siècle. Les gentils contre les méchants, l'amour contre la haine, le macho en face de la jolie fille... I mean, please.


J'espérais secrètement que Luc Besson s'émancipe de ces archétypes et qu'il apporte une vision plus personnelle et plus moderne au scénario et à ses personnages. Mais le pouvait-il et le voulait-il vraiment ? Je ne crois pas. On a sous les yeux la concrétisation d'un rêve d'enfant, celui d'amener à la vie des héros de son enfance. Encore une fois, je respecte cette approche.


La mayonnaise ne prend pas.
Une bande-dessinée n'est pas un film, de toute évidence. Je peine à imaginer la difficulté de cet exercice, qui consiste à adapter une oeuvre qui se découvre et s'apprécie sur la durée, à mesure de la sortie des numéros : l'attente, la lecture, les dessins, apprécier chaque case, n'avoir pour leur donner vie que notre seule imagination. C'est un plaisir très particulier que celui du lecteur de bande-dessinée.


Malheureusement pour Luc Besson, c'est semble-t-il en lecteur de bande-dessinée qu'il a abordé la réalisation de son film, en privilégiant le désir de donner vie à l'univers et aux personnages qu'il a aimés. Un désir qui ne parviendra malheureusement pas à rencontrer celui de la plupart des spectateurs de cinéma qui attendent, en deux heures, qu'il se passe quelque chose de plus. C'est une expérience plus courte qui se doit donc d'être plus percutante. En deux heures, on veut ressentir des émotions... Encore trop présent et bien qu'il lui ait donné la vie, l'univers de Valérian reste trop plat, sans réelle surprise, sans autre saveur que celle de sa propre existence. Ça ne suffit pas...


... Et ça, le réalisateur aurait dû le voir.


Hors quelques passages drôles, je n'ai pas trouvé le film aussi divertissant qu'un blockbuster de cet envergure aurait dû l'être à mon sens. Je ne l'ai pas trouvé atroce non plus, ne tirons pas sur les ambulances. Mais de Luc Besson, j'attendais du Luc Besson, pas du Pierre Christin.

Camiille
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le 29 juil. 2017

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