Friday the 13th Part VIII : Jason Takes Manhattan (Rob Hedden, U.S.A, 1989)


Huitième épisode, là ça commence à devenir compliqué de se renouveler. Et comment qu’on fait quand on a plus d’idées ? Et bien, il y a soit l’Espace, mais ce n’est pas encore la période. Sinon c’est Manhattan, comme les Muppets avec l’excellent « The Muppets Take Manhattan ». Voici l’ambiance : nous sommes en 1989, ça y’est le slasher est mort et vivote par-ci par-là dans quelques productions qui ne lui rendent pas justice.


Les années » 80 s’achèvent et avec elles les excès de Reagan touchent à leur fin. Accompagné par une musique soft rock pseudo-Hair metal, Guns n’ Roses sont au top, et influence la scène rock avec des versions soft bas de gamme comme Bon Jovi. Ils se veulent bad, mais ils demeurent en réalité assez lisses, à l’instar de ce métrage. Il s’ouvre sur des rues de New York, ce qui tranche audacieusement avec Crystal Lake, et directement une proposition originale est proposée.


Retour à Crystal Lake, deux jeunes batifolent dans un bateau, quand l’ancre perce un câble sous-marin, sur lequel se trouve la dépouille de Jason. Éclair, éclair, boum boum, éclair… Et hop, Jason is back, avec la résurrection la plus pétée de la franchise. Puis il faut attendre 1 h et une virée en bateau pour voir Jason poser un pied à New York.


La croisière s’amuse, composée d’une classe d’ados en direction de la Grande Pomme, et d’un Jason prit lui aussi d’une envie de voyager. Il s’introduit ainsi dans le bateau, où se déroule d’ailleurs la majeure partie de l’intrigue. Ça sent l’économie de moyens à l’horizon ça moussaillon. C’est aussi vrai pour le scénario et la mise en scène, tellement ce film s’avère plat et accumule les poncifs datés.


En suivant les vieilles recettes, Rob Hedden plonge tête baissée dans le mur des clichés. Ainsi se retrouvent présents sur le bateau deux poufs qui espionnent les garçons, boivent de la bière et sniffent de la coke. Oui, l’époque des hippies qui se tapent des petits joints autour du lac semble révolue. Place aux yuppies fashionista, poupées glamours avec rien dans la cervelle.


Mais au-delà de ces clichés qui offrent une belle image de la femme de 1989, le métrage mélange un peu tout ce qu’il peut. Ainsi il y a le type chelou typique, ici c’est un marin qui fait peur à tout le monde en parlant de malédictions et de mauvais augure. Il sort un peu de nulle part et sa présence n’est pas justifiée au-delà de la convention qu’il incarne.


Rennie, l’héroïne, a des visions de Jason enfant, du genre où il l’attrape physiquement. Pourquoi ? Comment ? Ce n’est jamais expliqué, et en plus ça devient très secondaire dans l’intrigue. Peut-être une vaine tentative de retrouver l’atmosphère surréelle de « The New Blood »… Impossible de savoir.

« Friday the 13th Part VIII : Jason Takes Manhattan » ne s’épargne pas non plus une représentation ultra clichée du geek. Ce dernier se trimballe sans cesse avec une caméra, ce qui aurait pu apporter une certaine réflexion sur le film dans le film, pourquoi pas. Mais il n’est pas du tout exploité. C’est juste un naze au physique ingrat et aux goûts vestimentaires douteux. Comme cette jeune fille au look glam, qui dépeint par rapport aux bimbos et qui, en plus, joue de la guitare telle un Hair rockeur des grands soirs. Cela n’est pas sa place, et Jason la flingue.


« Friday the 13th Part VIII : Jason Takes Manhattan » est une accumulation de clichés de toutes sortes, qui viennent phagocyter toutes les thématiques que le film tente d’exprimer. Car, ce huitième épisode c’est celui des actes manqués. Rennie, directement présentée comme la final girl (un peu de suspens semblait trop demandé), correspond au cliché de l’ado qui traverse une épreuve difficile. Elle vit sous la tutelle légale de son oncle, qui s’avère par malchance être le professeur menant la sortie scolaire.


C’est un vieux type froid et austère, l’antithèse même du fun, qui passe son temps à brider sa nièce. Représentant d’une génération inflexible, qui pense que leurs enfants vivent dans un monde identique à celui qu’ils ont connu. Complètement déphasé des faces de la réalité, il demeure persuadé de détenir le code de moralité universel.


Le personnage sert également de représentation d’un patriarcat rigide devenu insupportable, et qui dans les eighties connut un retour en force, en lien avec la politique conservatrice qui règne alors sur le pays. Il y a par ce personnage une tentative d’évoquer l’hypocrisie de cette génération par le biais de la pédophilie.


Une étudiante (« le pouf » de luxe, telle qu’elle est vendue) lui saute dessus et le met dans son lit, sous la caméra du geek. Mais c’est abordé très maladroitement, et ça ne mène un peu nulle part, ratant là une opportunité certaine de donner de la texture à un film qui en manque cruellement. D’autant que le sujet commence à se répandre dans les années 1980, les langues se délient et les tabous se brisent. « A Nightmare on Elm Street » c’est par exemple toute une franchise construite autour d’un prédateur sexuel pédophile.


Cette idée de gouffre générationnel est également abordée par le personnage du capitaine, qui est le père d’un des élèves en excursion, décidément. Il attend de son rejeton qu’il soit un capitaine tout comme lui. Exigent, ce vieux aux cheveux blancs et rares, ennuie ce jeune qui n’a qu’une envie : profiter de la vie. Il est amoureux et c’est tout ce qui importe. En même temps, il a 16 ans.


Dans ce bateau, les jeunes passent leur temps à braver l’autorité. Systématiquement, ils s’opposent à une hiérarchie, dans laquelle ils se trouvent tout en bas. Ils veulent voler de leurs propres ailes. Cette thématique était totalement absente au début de la décennie. Voici une phrase prononcée par le professeur sur un ton des plus péremptoires : « I'm the one you should listen too ». Il est inquiet, d’accord, mais là il est étouffant plus qu’autre chose.


Et le type est un vrai crevard. Lors d’un flashback, il est montré sur un lac, dans un bateau avec sa nièce, où il lui raconte l’histoire des meurtres de Jason, pour l’encourager à apprendre la nage. Et puis sans prévenir, il la jette dans l’eau, pour qu’elle apprenne, à la dure. Ça c’est une technique vraiment utilisée par des maîtres-nageurs face aux récalcitrants qui ont peur. C’est donc l’expression d’un véritable harcèlement, vécu par une jeune sous l’emprise d’un aîné. C’est ainsi de lui qu’elle doit s’émanciper pour devenir la femme qu’elle désire, et non l’être que lui attend.


Durant tout le métrage, il refuse de croire les ados, qui lui disent que Jason commet les meurtres. Il remet sans cesse en cause leur parole, jusqu’à ce qu’il se retrouve face au tueur. Et il a le droit au meurtre le plus HARDCORE du film : noyé dans un baril de produit chimique. C’est là la fin d’un personnage qui polarisait beaucoup trop de thématiques, qui pour la plupart n’ont pas été exploitées. Du fait, c’était juste un personnage cliché gâché du début à la fin, chiant et relou à toujours se mettre en position d’autorité.


Son traitement représente, malheureusement, à peu près toutes les pistes qui peuvent prêter à réflexions, mais se retrouvent noyées au cœur d’une aventure peu palpitante, et dramatiquement répétitive. Tous les schémas sont en place, et respectés à la règle, sans un grain de folie salvateur, ni d’audace.


Puis, après 1 h a semé la terreur dans les décors du bateau, Jason pose enfin le pied à New York. Il y a comme un petit quelque chose de pas très honnête dans le titre… Là encore, les protagonistes arrivent dans les bas-fonds de la ville, ce qui permet de proposer une vision peu positive, le côté pile de l’Amérique capitaliste de Reagan. Avec ses violeurs pickpockets assassins latinos. Mais une fois de plus, le traitement passe au second plan, et ils ne sont juste bons qu’à connaître le courroux d’un Jason devenu urbain.


D’ailleurs, ce dernier continue d’élaborer ses petites blagues, et cache encore une tête dans une voiture de police. Dans une redite généralisée de ses prédécesseurs, et c’est là le truc qui coince, « Jason Takes Manhattan » reste sans arrêt dans la récitation, et jamais dans l’évolution. Il n’apporte rien de nouveau à la franchise ni au genre, s’apparentant lui aussi à une œuvre datée, qui aurait certainement composé un slasher correct, voire fun, en 1984.


Point positif de film, parce qu’heureusement il y en a un, il faut admettre que voir Jason déambuler dans les rues de Nez York, c’est particulièrement cool. Dans des ruelles sombres, dans le métro et à Time Square (ce qui permet le placement de produits le plus rapide du monde), ça vaut le coup de se délecter devant ces deux mondes qui se percutent de plein fouet.


Problèmes, il possède un sens inné de l’orientation, et une très bonne connaissance du réseau d’égouts de New-York. Dans lequel il se repère comme dans sa poche, et connaît même des raccourcis. De plus, il commence à avoir une dimension burlesque, et ça, ce n’est jamais très bon pour une franchise, quand le personnage iconique se ridiculise pour des rires du public.

Comme lorsqu’il marche sur un emballage de préservatif, un clin d’œil « kikou lol » aux codes de la saga.


Après une révélation finale, censément épique, nous apprenons que Jason est en fait prisonnier de l’enfant qui n’a pas eu la chance de vivre. Noyé sous les flots des égouts, il se transforme en mioche, dans une symbolique très forte, mais qui sort absolument de nulle part, sans que des explications ne soient données.


C’est le problème principal de ce film, c’est qu’il ne possède aucune cohérence. Dans l’univers « Friday the 13th » il est important de mettre de côté notre incrédulité pour profiter d’un spectacle amusant. Mais faut pas pousser non plus. Ce huitième film ressemble à toutes les productions génériques des slashers de la fin des années 1980. Il est même l’un des exemples de pourquoi ce genre s’est effondré.


Pur produit des années 1980, la séquence de fin s’achève sur un plan de grue qui monte, dévoilant Time Square, avec une musique catchy. Cela donne davantage l’impression d’avoir assisté à un film d’action, ou une comédie. Cette séquence hors ton fait oublier même jusqu’au fait que c’était un film d’horreur. Et ce dernier plan demeure similaire à un nombre de productions difficilement quantifiable de cette époque.


« Friday the 13th Part VIII : Jason Takes Manhattan » reste une chouilla au-dessus des slashers de la période, uniquement par le fait qu’il y ait Jason dedans. Ce dernier demeure toujours aussi charismatique malgré son absence de visage et de jeu, avec la simple, mais massive, carrure de Kane Hodder, qui remplit absolument toutes les caractéristiques nécessaires à un bon Jason. Au-delà de ça, le film ne propose vraiment pas grand-chose.


Body Count : 20 + Jason laissés pour morts noyés dans les égouts.

Record égalé à 48 minutes. 25 noms au générique, 20 morts, dont 8 à New York dans la dernière demi-heure.


To be really the end… again…


-Stork_

Peeping_Stork
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Friday the 13th

Créée

le 7 sept. 2023

Critique lue 82 fois

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 82 fois

D'autres avis sur Vendredi 13 : Chapitre VIII - L'Ultime retour

Vendredi 13 : Chapitre VIII - L'Ultime retour
ServalReturns
3

"Jason en croisière" suivi de "Jason prend le métro" suivi de "Jason prend un bain dans le Gange"

Revisionnage (dix ans après). Nous sommes en 1990. Vendredi 13, chapitre VIII : L'Ultime Retour est le premier opus de la série à sortir directement en VHS en France (il aura le droit à une sortie en...

le 19 avr. 2020

4 j'aime

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

13 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

10 j'aime