J’ai vu le film il y a deux jours et je commence déjà à avoir du mal à m’en rappeler. Ce n’est probablement pas bon signe.
Ce n’était pas mauvais pour autant. C’était frais, rond, comme un bonbon.
La scène de sexe était drôlement filmée. La caméra ne savait pas où se mettre, les raccords n’étaient pas naturels. J’ai d’abord pris cette sensation de brouillon cacophonique comme volontaire, mais à mesure que le scénario dévoile ses intentions quant à ce passage, on s’aperçoit bien que l’idée esthétique c’était plutôt tendresse et excitation et que rien ne justifiait ce montage perturbant qui vous sort du machin. Approximation technique, donc, je pense. Quand ça veut pas ça veut pas.
Je commence par cette scène en particulier, pas parce que je suis un obsédé sexuel, quoique un peu, pas non plus parce que je suis amoureux de Virginie Efira, quoique éperdument, mais parce qu’elle apparaît comme un creux très visible dans la courbe du talent avec lequel le film est mis en images, et fait donc d’autant plus ressortir ce talent en relief. Triet est une bonne réalisatrice, ça ne fait aucun doute, particulièrement douée en direction d’acteurs. Elle sait ce qu’elle veut et elle obtient ce qu’elle veut.
Derrière ce talent, si ce film est oubliable, c’est probablement parce qu’il est trop sage sur les autres aspects que la direction d’acteurs. Pas de fulgurance par exemple dans la séquence d’ouverture, Triet filme une soirée de mariage comme n’importe quelle équipe technique compétente en France filme une soirée de mariage. Parfois, le scénario me donne l’impression de dérouler parce qu’il faut bien le dérouler, sans grande recherche de cinéma. C’est de la belle mise en scène, c’est bien cadré, bien dirigé, le tournage est bien tenu. Et c’est très nul, comme qualificatifs positifs. C’est technique. C’est gentil. Allez, séquence 23, plan 12, répétition, Arthur entre par la porte avec le chien, il s’arrête là. Un coup de gaffer ici pour marquer l’arrêt, la caméra là pour le plan large, une fill ici, la key là, parce que ma foi ça fait sens, c’est comme ça qu’on filme. Gentil ! Je sais que Triet, comme le personnage de Vincent Lacoste, a l’air cool et invisible comme ça, mais elle est « pas gentille ». Elle a plus que ça à apporter au cinéma ; après la Bataille de Solférino, qui portait déjà de plus fortes ambitions esthétiques que Victoria, j’en suis certain.
Ne vous reposez pas trop sur vos acteurs, Triet. Ils sont bons, très bons, surtout entre vos mains, y compris les enfants, y compris les singes ! Mais vous faites du cinéma. Ne soyez pas si narrative, si technico-scénaristique, si théâtroïde. Pensez cinéma, faites parler le cinéma. Suivez des idées de dingue, des idées de cinéma, qui, dès l’écriture, vous déclenchent des «Non j’vais quand même pas faire ça, non, attends, non… attends ! »