Dans les opus précédents, les intrigues autour du SPECTRE commençaient un peu à tourner en rond, et le remplacement systématique de l'interprète de Blofeld à chaque film devenait, à force, un peu ridicule (chauve, pas chauve, avec cicatrice, sans...). Pour la première fois dans un James Bond, l'ambitieuse organisation criminelle est absente et laisse la place à une nouvelle menace. Néanmoins, à défaut d'apporter du changement, cette dernière paraîtra forcément un peu insignifiante en comparaison.
La transition entre le précédent acteur et le nouveau est plutôt habile et plaisante, car elle multiplie les liens (présence du fils de Quarrel) et les références (exotisme, lieux et scènes similaires (parfois même un peu trop)) avec le tout premier volet de la saga, James Bond 007 contre Dr. No. On peut voir la chose comme une sorte de renaissance, mais sans pour autant faire table rase du vécu du personnage. Le film se place donc dans la continuité logique des anciens. Un vent de fraîcheur souffle donc sur la saga, mais...
Roger Moore ne se fatigue pas trop et ses attaques contre ses opposants se font le plus souvent par l'intermédiaire de gadgets, beaucoup plus présents qu'auparavant. Le progrès de la technique remplace donc une musculature moins épaisse. Le plus flegmatique et raffiné Roger Moore à son charme et ses qualités, c'est certain, mais ne réussit pas à faire totalement oublier le plus fougueux, rentre-dedans et bestial Sean Connery. Le style change, le reste suit le mouvement... Le nouveau méchant, simple caïd d'un cartel de drogue, est tout sauf charismatique, tandis que sa clique de sbires tend vers le grotesque (comme la mort de leur chef, aussi ridicule qu'hilarante). Les James Bond girls ne sont pas non plus inoubliables.
L'ensemble du film manque cruellement d'ambition, à l'image de cette interlude comique avec le Shérif Pepper qui sert à remplir un vide en plein milieu du récit, cassant au passage le rythme de la course poursuite. De plus, l'action est plutôt molle, les décors sont moins extravagants et les engins sont pratiquement absents (excepté quelques petits bateaux et un bus pourri, bof bof). Tout cela sent une baisse évidente de budget, ou une volonté de faire plus modeste donc plus crédible. À vous de décider... L'intrigue est pour une fois très simple à suivre et moins prise de tête que d'habitude, à tel point qu'elle paraîtra un peu légère. Et c'est peut-être ce qui gêne le plus en fin de compte.
En gros, le changement est sympa et l'aventure suffisamment distrayante, mais on y perd clairement au change. Pour faire son entrée dans les années 70, James Bond passe donc par la petite porte et nous offre un spectacle en demi-teinte, qui annonce des prochains opus inégaux qui vont jouer au yoyo, en alternant les hauts et les bas.