En me plongeant de plus en plus dans la filmographie de Duvivier, je me rend compte qu'il y a toujours un double discours. Dans "La fin des jours" on a derrière une façade comique, un film d'une noirceur incroyable. Cette noirceur prend son sens dans le rôle de Michel Simon, dont les blagues, révèle une jalousie immense pour le talent, qu'il n'a pas, de Victor Francen. Ici, derrière le canevas du film noir, il y a toute une réflexion sur la violence que provoque la pauvreté. Je vois Catherine (Danièle Delorme) comme une victime qui cherche un bouc émissaire pour les déboires de sa vie. Elle jette son dévolu sur André Châtelin (Jean Gabin), ex-mari de sa mère.


Le gentil Gabin est un homme qui a une vision de la société qui ne dépasse pas celle de son restaurant malgré la proximité des Halles et les quelques instants de camaraderie avec les bouchers et autres métiers qui composent le marché. En réalité, il passe son temps à accueillir le gratin de la société.
Sa naïveté prend toute sa mesure lorsque l'on voit comment il se fait tromper par la gente féminine, que ce soit sa mère, son ex-femme ou Catherine, toutes sont des incarnations de sa propre faiblesse.
De ce que je sais, Gabin détestait incarner des personnages de ce type que ce soit le mari cocu ou la victime des femmes. Pourtant il s'en était fait une spécialité malgré lui dans les années 50. Je pense par exemple à "La vérité sur Bébé Donge".


L'idée du double discours se retrouve dans les personnages que Duvivier construit dans ses films. Dans "Marie-Octobre" c'est simple, tous sont des citoyens normaux et en même temps des anciens résistants (ou une balance). Ici, c'est le personnage de Danièle Delorme qui incarne cette double personnalité. En société, elle est une sage et gentille fille alors qu'en privé, elle élabore son plan machiavélique. Le double c'est aussi la mère (Gabrielle) et la fille qui sont comme deux faces d'une même pièce. D'ailleurs, au fur et à mesure du film, le visage d'ange de Danièle Delorme se déforme de plus en plus à la manière de sa mère.
Elle va même jusqu'à créer des fausses personnalités pour Châtelin et Gérard (Gérard Blain) dans le but de semer la zizanie.


A chaque fois, les personnages ne sont jamais ce qu'ils paraissent. Tout cela s'appuie sur une réalisation qui jongle entre le sombre pour les instants de film noir, et la lumière lors des moments de vie du restaurant. Le film arrive particulièrement bien à capturer les Halles et les gens qui en font l'un des cœurs du Paris de l'époque.

Belane
7
Écrit par

Créée

le 6 août 2020

Critique lue 93 fois

2 j'aime

Belane

Écrit par

Critique lue 93 fois

2

D'autres avis sur Voici le temps des assassins

Voici le temps des assassins
-Marc-
7

Le corbeau et la renarde

Film noir à la française, "Voici le temps des assassins" est sans doute l'un des films qu'on retiendra de Duvivier. Il voulait absolument tourner avec Gabin. C'est après plusieurs propositions de...

le 13 oct. 2016

17 j'aime

5

Voici le temps des assassins
GuillaumeRoulea
10

Noir c'est noir

Vu quatre fois ce film...avec l'impression de découvrir à chaque fois. Je suis de ceux qui pense que Julien Duvivier est, au même titre, que Jean Renoir, un des grands maîtres du cinéma français,...

le 24 oct. 2012

16 j'aime

3

Voici le temps des assassins
Boubakar
8

Une femme en cache une autre.

La découverte de ce film a été d'un grand choc, en partie parce que je ne savais absolument rien à son sujet, ne serait-ce que le casting. Donc, je ne vous ferais pas l'affront de vous révéler...

le 31 oct. 2016

9 j'aime

Du même critique

Cat Ballou
Belane
6

Deux Lee Marvin pour le prix d'un!

Lee Marvin est il passé à coté d'une carrière d'acteur comique? Après ce film je me pose cette question. En ancienne gloire du far west devenu alcoolique ou en tueur à gage avec un nez de fer, il est...

le 23 févr. 2013

7 j'aime

Le Septième Juré
Belane
8

Critique de Le Septième Juré par Belane

Avec ce film, bâti de toutes les conventions du pire cinéma français, Lautner est tombé en pleins dans le piège dont il s'était sorti à grand peine sorti dans arrêtez les tambours. Quelques très...

le 8 sept. 2016

6 j'aime

12

Autopsie d'un meurtre
Belane
9

Voir James Stewart au piano en fumant de vieux cigarillos, ça n'a pas de prix...

Tout comme les notes de jazz qui accompagnent le film, le métier d'avocat n'est qu'un déferlement de mot, un art oratoire. On a une base puis l'on improvise dessus comme un joueur de jazz improvise...

le 22 févr. 2013

4 j'aime