Coproduction entre le Royaume-Uni et les USA, Ravenous fait partie de ces oeuvres ayant subit un échec cinglant lors de leur sortie en salles mais qui sont devenues, au fil des ans et des rediffusions, de véritables films cultes, trouvant enfin l'audience qu'elles méritaient.
Débuté par Milcho Manchevski avant d'être repris par Antonia Bird après trois semaines d'un tournage chaotique, Ravenous prend appui sur la tristement célèbre expédition Donner et sur le cas du cannibale Alfred Packer, afin d'accoucher d'une bande hybride, à la croisée des genres, convoquant aussi bien le western que le survival, ou le thriller teinté d'humour noir.
Inclassable, Ravenous l'est du début à la fin, poussant l'endurance et les attentes de spectateur dans ses derniers retranchements, passant en un battement de cil d'un burlesque goguenard à une horreur sans nom. Grattant là où ça démange sévère, instaurant une tension à couper au couteau et traduisant avec force et fracas la folie galopante qui happe chacun des personnages, Ravenous utilise avec brio son mélange des genres afin de mieux délivrer son message subversif, sa vision inconfortable d'une nation encore naissante mais à l'appétit définitivement vorace, broyant et dévorant tout ce qui lui passe sous la dent.
Bousculant la morale de tout un chacun, prenant visiblement un malin plaisir à illustrer avec une ironie mordante des sujets sacrément tabous pour notre société bien-pensante (le cannibalisme, la "lâcheté" sur le champ de bataille, l'imbécilité des pouvoirs en place...), Ravenous est une véritable petite perle, aussi pertinente dans son fond comme dans sa forme.
Bénéficiant de décors naturels d'une beauté fracassante et d'une mise en scène affutée (même si la réalisatrice en regrettera plus tard le montage), ce voyage au bout de l'enfer colle au tripes, fascine de par son ton décalé et constamment sur le fil. Hanté par un casting en tous points parfaits, allant d'un Guy Pearce charismatique à un Robert Carlyle tout simplement immense en messie d'une nouvelle religion, et rythmé par la bande son remarquable de Michael Nyman et Damon Albarn, Ravenous est une putain de bombe qui n'a pas fini de dévoiler ses délices, du moins à ceux et à celles qui se laisseront tenter par l'odeur alléchante et qui n'auront pas peur du petit arrière-goût amer qui reste sur le bout de la langue.