War Dogs aurait pu être un bon divertissement mais se prend les pieds dans le tapis en voulant jouer sur trop de tableaux.


Vendu comme une comédie, on aurait pu s’attendre de la part de Todd Phillips (réalisateur de la trilogie Very Bad Trip) a un humour racoleur mais efficace. Malheureusement, si le film contient son lot de petites blagues qui fonctionnent, la grande majorité du scénario vient davantage emprunter au thriller, action et drama, décevant le spectateur qui serait venu rire sans pour autant lui donner quelque chose en retour.


Car le problème est là, si l’on ne rit plus passé un certain stade du film, qu’avons-nous gagné dans l’échange. La réponse est simple, rien.


Considérons ce film comme un thriller/comédie. Les indices, disséminés bien trop tôt et bien trop maladroitement sont si simples à lire que le twist principal est annihilé à mi parcourt. Vous avancerez donc au fil des chapitres vulgairement découpés de panneaux de texte blanc sur fond noir, permettant de combler le vide scénaristique entre les différents événements, pour terminer sans secousse sur une fin attendue. Les différents protagonistes restent parfaitement à leur place, leurs interactions se limitant au minimum nécessaire, balisant le parcours pour que le spectateur n’ait pas trop à réfléchir ce qui est l’antithèse d’un thriller cherchant à brouiller les pistes via des interactions complexes qui ne prennent sens que lors du twist final. Sans tension, twist, vous laissant de marbre regarder des images qui défilent, difficile ici de parler de thriller.


Considérons maintenant que ceci est un film d’action/comédie. Le peu de poursuites, d’action et de rebondissement de la seconde moitié du film laissent un sentiment d’incomplet. Si la première partie permet d’effleurer la psychologie des personnages et installer le cadre et les enjeux dans lequel l’action prendra place, ici l’action ne démarre tout simplement pas et la deuxième partie du film ne comptera pratiquement aucune scène palpitante.


Prenons maintenant le dernier cas, celui de la comédie dramatique. Il est tout à fait possible d’utiliser l’humour pour poser les bases d’une histoire riche et complexe (The Truman Show en est un parfait exemple) mais ici les protagonistes ne sont que des façades, peu (voir pas) travaillés, sans attaches, le héro étant le seul à bénéficier d’un traitement de faveur qui, soyons clair, n’a aucun impact sur l’histoire et ne permet que de créer un attachement relatif à travers quelques scénettes qui pourraient être soustraites de l’équation sans impacter la narration. Vous terminerez le film comme vous l’avez commencé, en regardant deux jeunes tenter de faire leurs preuves sur le marché des armes, sans porter de réel intérêt à leur propre histoire, ce qui n’est clairement pas la vocation d’un drama.
Voilà donc le problème que pose ce film. Vouloir remplacer le rire par quelque chose de plus profond est un exercice difficile que Todd Phillips semble vouloir essayer après une longue série d’action comédie (Starsky et Hutch, Date limite, Very bad trip) qui fonctionnent car elles ne creusent pas dans la psychologie des personnages et ne cherchent pas à remuer nos émotions. Pour un thriller ou un drama, il faut travailler les protagonistes, leur donner un passé, créer un attachement ou des enjeux dans lesquels le spectateur va pouvoir s’identifier ce qui est totalement absent de War Dogs. Si maintenant l’histoire n’est pas importante et que l’on veut de l’action, il faut nous embarquer du début jusqu’à l’explosion finale sans nous laisser respirer, ce qui est le cas de ses précédents films mais pas celui-ci.


Sorte de « Lord of War » plus léger, « L’arme Fatale » moins drôle et percutant, War Dogs est une tentative de Todd Phillips de ne pas faire du Todd Phillips, et pour cela tout n’est pas mauvais. Le rythme est cohérent, les blagues fonctionnent, on ne se perd pas dans la narration ou les incohérences et si le sujet de la guerre est rapidement laissé de côté pour en revenir à quelque chose de plus psychologique, force est de constater que l’on n’a pas passé un si mauvais moment même si avec un peu plus de travail sur les personnages et mois d’indices, l’expérience aurait pu être bien meilleure.


ATTENTION SPOIL :


Avis personnel sur le twist principal du film, si vous n’avez pas vu celui-ci vous devriez éviter de lire ces dernières lignes.


Petit rappel, Efraim a donc utilisé David du début à la fin, son amitié n’était pas réelle, c’est ça le vrai twist du film.


Ce twist est amené dès la demande de signature d’un contrat par David devant un Efraim mal à l’aise face au document (qui n’est d’ailleurs pas relevé par David supposé être son meilleur ami). Plus tard David écoute Efraim lui annoncer que Henry (Bradley Cooper) réalise 400% de bénéfices dans le deal et qu’il veut l’exclure, provoquant la dispute qui pousse David à quitter l’entrepôt. Sur le départ il apprend que personne n’a payé les ouvriers. C’est à ce moment que l’enlèvement du début du film a lieu et ouvre les hostilités entre les deux amis. Essayons maintenant de tourner ces évènements du point de vue de David. Jusqu’à être kidnappé il ne sait rien du mensonge d’Efraim et de la manière dont il se joue de lui, mais nous, spectateurs, le devinons. C’est cette toute petite différence qui ruine l’enlèvement qui, au lieu de s’inscrire comme un moment décisif ou tout se joue (c’est ainsi que le film le présente en ouvrant sur cette scène), devient simplement la conséquence de la traitrise dont David a été victime et n’a d’ailleurs même pas à ouvrir la bouche pour s’en sortir. Tournons maintenant les choses autrement. Retirons le malaise d’Efraim lors de la signature du contrat, retirons ensuite l’appel d’Efraim (son but est de se servir de David pour gagner le maximum, pourquoi l’avertir qu’Henry réalise 400% et qu’il va le dégager et garder l’intégralité pour lui ?). Dans ce scénario alternatif David (tout comme nous) n’aurait donc aucune idée des intentions d’Efraim jusqu’à l’absence de paiement de l’entrepôt, premier signe étrange, suivi directement par l’enlèvement violent et incompréhensible l’amenant face à Henry tel qu’annoncé dans l’ouverture du film. Totalement perdu, c’est donc Henry qui annoncerait à David (et à nous) qu’Efraim l’a sorti du deal pour prendre sa part, provoquant la colère de David menacé par un pistolet sur le front alors qu’il n’était au courant de rien (nous non plus). A son retour sa colère serait d’autant plus justifiée que le contrat aurait disparu et VOILA Efraim est passé en seulement 3 minutes de meilleur ami à manipulateur et le twist nous arrive en pleine face au lieu de prendre tout son temps.

logan-kyles
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le 25 août 2016

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