A peine dix kilomètres séparent Zuydcoote de Dunkerque.


Et cinquante trois années de cinéma.


Tout comme le bord où est placée la caméra : français pour le plus ancien, décrivant les anglais de manière assez peu amène, en conférence à l'heure du thé, bornés et inutiles. Britannique pour la cuvée 2017, dont la peinture des hexagonaux a donné lieu à une vaine et stérile polémique.


Dunkerque misait sur une immersion totale, une intrigue sur tous les fronts et un aspect voulu viscéral. Il y réussit. Mais seulement en partie.


C'est pas que je n'ai pas aimé Dunkerque. Au contraire. Mais Week End à Zuydcoote ne s'embarrasse pas d'une timeline triplée et triturée, de personnages sans nom que l'on ne suit qu'en points de suspension.


Le film d'Henri Verneuil, au contraire, suit les pas d'un Jean-Paul Belmondo charismatique, tout aussi magnétique que détaché des événements, qui traverse la débâcle de manière désabusée et solitaire, porté au gré des rencontres et de ses envies. Il est immédiatement attachant dans ses attitudes et le regard qu'il porte sur le conflit, traduit par les sentiments contraires qui traversent ce week end, entre sourires, absurdités, tragédies, perte et gâchis.


La guerre vue par Henri Verneuil et son personnage, c'est tout cela à la fois, dans des tranches de vie et un quotidien rythmé par les bombardements et les assauts des stukas. C'est cette jeune fille qui s'appuie à son balcon et qui surveille les raids à travers ses jumelles, attirant l'attention de Maillat par sa beauté, des frères d'arme unis comme une famille dysfonctionnelle, qui se chamaillent et se charrient. C'est une atmosphère légère qui provoquera à plusieurs reprises le sourire malgré la menace, au début seulement évoquée par la radio qui grésille, puis de plus en plus tangible.


Les bizarreries, le long de ce week end, fleurissent, comme ce couple franco britannique cherchant à s'embarquer, ou un cheval de bois pour enfant transporté par un officier sur un bateau tentant de rapatrier les soldats. L'absurdité n'en est que plus forte quand elle frappe, ancrant définitivement le récit dans un aspect tragique et spectaculaire, la guerre passant brusquement au premier plan. Avec son cortège d'horreurs, de mesquineries, de français qui tuent d'autres français ou d'ordres imbéciles.


Week End à Zuydcoote est un petit théâtre du quotidien dont les personnages principaux, résignés pour la plupart, naviguent entre irrationnel et saugrenu malgré les bruits de bottes et le crépitement des mitrailleuses.


Henri Verneuil regarde juste, parfois avec colère. Sa caméra est presque toujours à hauteur d'homme, faillible, incertain, pétri de contradictions. Pas de mépris, pas de mise en scène de héros. Seulement l'humain face à la fatalité. Des émotions contraires jamais forcées. Et le coeur meurtri.


A peine dix kilomètres séparent Zuydcoote de Dunkerque. Cinquante trois années de cinéma aussi.


Et ce coeur meurtri.


Behind_♫ Ca y'est c'est le week end ! ♪_the_Mask.

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le 8 août 2017

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