Double swing... Faster.. Faster... FASTER... FASTER !!!!!!!!!!

La sortie en France de Whiplash est restée étrangement confidentielle malgré l'unanimité de la critique (une nomination aux Oscars vient de tomber), et le succès engendré sur les nombreux sites communautaires.


Cela faisait assez longtemps qu'un film sur l'univers de la musique n'avait pas insufflé un vent nouveau dans ce genre, et frappé très fort auprès de la sphère cinéphile, et par effets de domino aux passionnés de musique. Sans contestation le point de vue de ce jeune réalisateur plein de promesses, n'est pas tant de traiter de façon académique la montée en gammes d'une étoile du jazz, que de mettre en scène un duel mémorable entre deux protagonistes brillamment écrits et interprétés. Ce duel à coup de roulements de tambours, entre un maître incontestable du jazz aux méthodes pédagogiques très contestables, et son poulain qui rêve de devenir le futur Buddy Rich par tous les moyens, mêmes les plus radicaux, la particularité d'être violent et sans concession.


Apprécions tout d'abord l'incroyable prestation de J.K Simmons, que je ne connaissais pas jusque là, qui impressionne par sa présence à l'écran. Véritable tyran à la personnalité ambigüe, il est capable d'un simple regard à paralyser tout son auditoire. Son jeu d'acteur lui vaut d'ailleurs une nomination aux Oscars pour le meilleur second rôle, méritée. Egalement, Miles Teller, est parfaitement convaincant en rôle de l'élève. Notamment sur les scènes de jeu, où la difficulté de rendre crédible un acteur à la batterie est très élevée. A la différence d'un joueur de piano ou de guitare, il est très difficile de fausser un jeu à la batterie, car une mauvaise posture, un mauvais rythme se remarque beaucoup plus facilement. Pour l'anecdote, l'acteur savait déjà jouer de la batterie depuis 15 ans, mais il aura fallu qu'il se forme à l'école traditionnelle du jazz, une technique radicalement différente que la méthode "rock". Et étant donné que l'ensemble des scènes musicales sont entièrement jouées par l'acteur et non doublées, la performance est d'autant plus remarquable.


Un peu à la manière d'un Kubrick capable de pousser à bout ses acteurs afin de les transcender et les rendre totalement fous, Chazelle n'hésite pas à renier toute fausse morale académique et s'octroie toute liberté d'écriture. S'il serait inapproprié de retenir quelconque morale à ce film nihiliste, elle tend néanmoins à montrer - peut-être avec un peu de lourdeur et d'insistance parfois - que les talents de ce monde ne deviennent des monstres dans leur domaine, qu'en devenant des monstres tout court, non sans faire couler du sang à un moment donné dans leur vie. Ainsi l'élève sacrifiera famille, amour et argent pour réaliser son rêve le plus cher. Si ce n'est pas pour autant une généralité, cette démonstration reste néanmoins très crédible.


Ce qui est admirable, c'est cette symbiose entre le cinéma et la musique, l'image et le son. Chazelle est un réalisateur de talent en devenir, en plus d'être un musicien professionnel. Ce qui facilite les choses, mais pas que...


Le déroulement des péripéties du film est un morceau de jazz à part entière. Les variations de son swing, son nombre incalculable de rebondissements, la propagation des émotions orchestrées par l'affrontement rude et masochiste entre le maître et l'élève, et l'omniprésence des sonorités jazzy propulsées par le coup de baguettes du batteur prodige, marquent d'un rouge sang l'empreinte d'un film totalement immoral, horrifique, militaire.
Chaque séquence sert de bombe à retardement, qui finira par exploser lors de cette exceptionnelle scène finale, lorsque l'étoile brille enfin dans le ciel, et nous ébloui sans nous épargner..


Et si par malheur il s'avère que vous portiez la mélomanie dans votre sang, - un peu comme moi - cette scène ahurissante finira de vous achever à coup de mitraillettes interminables. Et ce tourbillonnement d'émotions folles vous transportera vers un autre monde.


Au passage, Caravan et Whiplash sont des fabuleux morceaux de jazz, et sont les points culminants de cette bande originale parfaite. Avec Mommy, coup de coeur de 2014

jejeninjaki
9

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le 15 janv. 2015

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jejeninjaki

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