Alors voilà, trainée de poudre dans le milieu underground, on frétille, on jubile, on s’extasie. La jeunesse est en marche, son nouveau mentor est un japonais qu’on qualifie de frappadingue, ce type est un fou furieux, deux heures dix de frénésie sur pellicule, tout ça.
Moi, je demande qu’à me faire une idée.
Je le sens pas trop, mais qui sait.

Je vieillis, les amis. A mesure que les années s’écoulent, je remonte patiemment le fleuve de la cinéphilie pour m’extasier devant les pères fondateurs, et me sens de plus en plus mal à l’aise dans les eaux saumâtres de l’actualité.
Mais bon, j’ai pris du plaisir devant les Gardiens de la Galaxie, il reste peut-être un espoir (tu parles, c’était bien un film pour vieux nostalgiques…).

Bon, trêve de préliminaires.
Quand j’étais môme, je haïssais « Un collège fou, fou, fou ». Ce n’est même pas que je trouvais ça mauvais, mais c’était tellement excessif et ouvertement débile que ça me mettait mal à l’aise, eu égard à l’humanité qui l’avait conçu, et celle qui pouvait l’apprécier.

C’est un peu le sentiment que j’ai eu pendant un long moment devant le film. Cette musique constante, ces visages outranciers, ces cuts poseurs, dieu que c’est fatiguant. Alors oui, reconnaissons au réalisateur un talent certain dans le maniement du cadre et la distribution des couleurs, notamment dans la belle scène fondatrice du parquet de sang et de la robe blanche.
Le problème, c’est la comédie. Tu ris ou non. Je n’ai pas ri. Le genre de chose qui ne se commande pas.
Jusqu’aux trois quarts du film, j’étais à 4/10 ; parce que c’est vraiment très long et paradoxalement mal rythmé : on peut vociférer comme on veut, les lourdeurs et les répétitions n’en sont pas moins flagrantes, et faire durer à ce point les préliminaires avant de voir converger les récits est soit une insulte à notre intelligence, soit un éparpillement par abus de confiance en soi, le cinéaste pensant qu’il suffit de tourner pour que ça fasse « délire ».

J’aurais bien aimé mettre 4/10, ça vous aurait énervé et je serais monté dans le match des critiques, à gauche, avalanche de like et tout, et comme ça Limguela m’aurait insulté.

Mais soyons honnêtes : la dernière partie du film est assez jouissive, en effet. Bon, la mise en abyme du cinéma, hein, c’est fun pour un étudiant en cinéma, mais pour un type de 53 ans… passons. Sion Sono pompe sans vergogne, et ce qui est amusant, c’est qu’il plagie les pompeurs, Tarantino en tête. Il faut quand même être sacrément gonflé pour à ce point citer Kill Bill, jusqu’à la musique de flamenco, quand ce film lui-même n’était qu’un vaste intertexte…
Il reste donc ce tournage/carnage, ce jusqu’au boutisme d’un travelling à la mitraillette, ce sang par hectolitres numériques, et cette capacité à ressusciter qui laisse pantois. Ça a son charme.

Voilà, j’ai fait mes devoirs, notamment envers TheBadBreaker, et c’est un plaisir que de lui rendre la pareille après l’avoir eu comme élève.

Pas sûr que ma copie le convainque. ; )
Sergent_Pepper
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le 20 sept. 2014

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Sergent_Pepper

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