Willard se distingue des productions horrifiques mettant en scène des animaux tueurs dans la mesure où l’implication desdits animaux n’est pas stricto sensu négative mais sert de métaphore à la révolte individuelle d’un jeune homme malchanceux ; elle agit à la manière d’un accélérateur de particules permis justement, sur le plan esthétique, par le grouillement de ces rats. Le long métrage jette sur les bébêtes un regard psychologique, presque psychanalytique, préfiguration de l’ébranlement affectif et mental de Willard.


Car les rats sont porteurs d’un symbolisme double : ils symbolisent d’une part ce qui est laissé à la marge et doit vivre dans les caves, et d’autre part l’idée de parasitisme appliquée d’entrée de jeu à la famille et aux amis de la famille : une galerie de trognes trop maquillées qui étouffent le protagoniste principal et l’empêchent de s’émanciper. Aussi le film fait-il de l’amitié avec les rats le passage d’un parasitisme subi à un parasitisme choisi, puisque Willard prend conscience de l’état de prédation qui définit la société : s’il y veut une place, il doit devenir lui-même prédateur, destructeur de soirée-anniversaire, menace à l’image des rongeurs, et sortir du sous-sol accompagné de ses compagnons. Recourir aux animaux sert donc moins l’horreur que le drame intimiste, et les quelques scènes violentes alimentent la vendetta de Ben qui ira jusqu’à se retourner contre son ami devenu entre-temps bourreau. La partition musicale que signe Alex North articule un thème sentimental avec des motifs plus dissonants comme pour accompagner cette relation nocive ou vouée à l’échec. La trajectoire que suit le long métrage de Daniel Mann s’apparente à celle d’une tragédie avec ses actes et ses scènes qui rendent la chute toujours plus prégnante, jusqu’à l’affrontement.


Néanmoins, la pertinence du thème et de ses métaphores ne doit pas masquer la neutralité d’une mise en scène qui illustre sans jamais incarner, programme sans jamais surprendre, si bien que nous avons sous les yeux un récit comme raconté d’avance, dépourvu d’aspérités. L’ensemble manque cruellement de nervosité et échoue à susciter ce sentiment de crainte mêlé d'affection pour les rats, dont le seul dressage impressionne à l’écran. En résulte une production intelligente mais trop plate qui peine à rester en mémoire une fois le visionnage achevé.

Créée

le 21 oct. 2020

Critique lue 213 fois

4 j'aime

2 commentaires

Critique lue 213 fois

4
2

D'autres avis sur Willard

Willard
freddyK
7

Power Rongeurs

Sorti en 1971 et petit carton surprise du box office, Willard est l'un des premier films à mettre vraiment en scène des rats attaquant des humains. Succès oblige, le film engendrera de nombreux...

le 7 déc. 2022

5 j'aime

3

Willard
Boubakar
7

Drôles de rats.

J'avais découvert le remake de Willard quelques mois plus tôt, et j'avais été déçu du charcutage du studio ayant contraint Glen Morgan à tourner une fin inutile. Là, j'ai pu découvrir la version...

le 28 déc. 2020

5 j'aime

Willard
Fêtons_le_cinéma
6

Du parasitisme à l’émancipation

Willard se distingue des productions horrifiques mettant en scène des animaux tueurs dans la mesure où l’implication desdits animaux n’est pas stricto sensu négative mais sert de métaphore à la...

le 21 oct. 2020

4 j'aime

2

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14