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Au lendemain de ma première immersion cinématographique en Anatolie, j'ai toujours du mal à m'en remettre. Hier en sortant de Winter sleep, j'étais sonné. Abasourdi. Comme groggy par le froid glacial de cet hôtel qu'on croirait tout droit sorti de l'imaginaire.

Aujourd'hui, la vie a repris son cours sous la chaleur du Sud de la France. Mais les neiges éternelles de Nuri Bilge Ceylan ne me quittent pas. Plus les heures passent et plus ce huis-clos de 3h16 me trotte dans la tête. D'apparence très linéaire, Winter sleep est en réalité à la fois d'une complexité folle et d'une ingéniosité, d'une audace remarquables.
La nonchalance de l'action, cette idée que rien ne peut nous arriver dans cette prison idyllique, que nous n'avons qu'a nous laisser porter n'est en fait qu'une habille ruse pour amener le spectateur là où il ne l'imagine pas.

Grâce à de nombreux procédés filmiques maitrisés à la perfection (champ / contre champ, plan séquences, jeux de miroirs, dialogues contradictoires étirés au maximum), Nuri Bilge Ceylan sculpte son drame autour de personnages plus subtils les uns que les autres qui cachent tous leur part d'ombre et dont aucun n'est au final ce que l'on croit de lui dans la première heure. Une façon pour le réalisateur d'aborder en filigrane de nombreux thèmes autour de l'existence, du sens de la vie, du conflit générationnel, des regrets... et surtout du temps qui passe.

Si ses rares mouvements de caméra sont millimétrés, sa lumière remarquablement travaillée, le photographe et réalisateur turc porte une attention toute particulière au son. Magnifique, la seule musique du film n'est présente que trois fois en plus de trois heures. Et chaque fois pour quelques secondes à peine, Nuri Bilge Ceylan préférant travailler sur le bruit du vent ou le crépitement du feu dans la cheminée. Histoire de ne pas forcer le ressenti, ni troubler la perception du spectateur.

Par sa durée, son anti-conformisme, les sujets qu'il aborde, bref son aridité qui en découragera plus d'un, Winter sleep n'est clairement pas un film grand public. C'est un objet de contemplation dans lequel il ne faut pas tarder à rentrer pour l'apprécier à sa juste valeur.

Un film à ne pas regarder d'un œil distrait sous peine de laisser s'échapper toute la finesse du jeu d'acteurs et de leurs dialogues littéraires et théâtraux. Un film hypnotique à partager seul chez soi. Dans le calme absolu des longues soirées d'hiver. Avec pour compagnon le crépitement d'un feu de cheminée.
Teddy_KGB
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le 11 août 2014

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Teddy_KGB

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